Suite de la lecture du roman VIVALDI OU L’ÉVANESCENCE DE L’ÊTRE, publié aux éditions de L’HARMATTAN, en janvier 2021. L’écrivain, ROGER BAILLET est professeur à l’université de Lyon : c’est ce que l’on apprend en se fiant à la 4 e de couverture. Ce détail (qui n’en est pas un) prend tout son sens, quand on commence à plonger dans ce livre. Tout d’abord, la mise en bouche donne un côté très efficace et romanesque au texte : le
narrateur (est-ce l’auteur lui-même ?) tombe sur le journal de Camille. Ce journal composera le livre tout entier et toutes les intrigues que l’on va suivre relèvent de l’intégralité de ces lettres retrouvées, et que l’on prend pour des partitions de musique. L’héroïne est orpheline : enfant du XVIIIe, survivante de la pauvreté extrême, elle est élevée et éduquée par des laïcs à la Piété. Sur place, elle est lavée, choyée, aimée : très rapidement, le personnage exprime son désir de se détacher de sa condition de naissance, de ses origines misérables, Camille va être initiée aux arts et surtout à la musique, qui la transperce sous forme d’un « séisme de douceur ». Entre filles, on parle de mariages, d’hommes et d’argent. Guidée par Rosalba Carriera, personnage historique et figure de la peinture féminine et baroque, la petite Camille va évoluer et confirmera sa vocation de violoncelliste. Un accident lui permet de prendre la vie autrement. Elle aura la chance d’être élevée par le maître Vivaldi, qui capte certainement en elle la passion d’une grande musicienne à en devenir. Alors qu’on suit le parcours de Camille dans la société vénitienne, l’emmenant jusqu’à Rome et même à Vienne, c’est surtout la culture italienne qu’on observe, à travers des yeux bien particuliers. On relèvera ici la poésie qui m’a le plus marqué, au cours de ma lecture : l’auteur, Roger Baillet n’a jamais vu Vivaldi de ses propres yeux, mais l’a entendu et écouté. En ce sens, tous deux sont parvenus à déjouer la mort et le temps, et toi aussi, lecteur, complice de toute cette mise en scène.
Au cours de sa vie sans repos, Camille rencontre tout un tas de personnages, plus ou moins importants et attachants. La fin du roman peut être décevante : après un rythme effréné de lecture et d’écriture, on aurait aimé plus de finesse, pour achever ce voyage. L’auteur présente une suite de portraits et de scènes : des tableaux, à la manière d’un opéra, avec peu de fluidité, même au niveau du style, quelque peu hachuré. Pourtant, on parvient à s’attacher et à emmagasiner toutes ces informations et ces idées qui vont donner envie de s’intéresser à la musique baroque et plus généralement à Venise. Parce que c’est aussi ça, la force de ce livre : transmettre une passion du XVIIIe dans notre regard de lecteur, de personne du XXIe : à la fin du roman, on se demandera si les choses ont réellement changé, entre ce Venise de 1709, année de l’arrivée de Camille à la Piéta et 2021. Posez la question à un musicien, et il répondra peut-être mieux, mais je pense que l’évanescence de la musique est un phénomène qui restera, tant que l’humanité continuera de jouer et d’aimer. Et c’est peut-être là exactement ce qu’a voulu dire l’auteur…