Comment un patriote pacifiste est devenu le ministre de l’Information et de la Propagande de Vichy ?

Philippe Henriot, souvent surnommé le « ministre de la Propagande » du régime de Vichy, occupe une place sinistre dans l’histoire de la Seconde Guerre mondiale en France. Poète, journaliste et homme politique, Henriot devient une voix influente et redoutée du gouvernement collaborateur dirigé par le maréchal Pétain. Bien qu’il n’ait jamais porté officiellement le titre de ministre de la Propagande, son rôle au sein du régime en fait l’équivalent fonctionnel, par l’impact de ses discours et son action médiatique intense.

Né en 1889 à Reims, Henriot grandit dans un contexte marqué par l’instabilité politique de la Troisième République et les séquelles de la Première Guerre mondiale. Nationaliste fervent et farouchement anticommuniste, il se lance en politique et devient député conservateur dans les années 1930, défendant des positions anti-républicaines et favorables à un régime autoritaire. L’arrivée de la Seconde Guerre mondiale et l’occupation de la France par l’Allemagne nazie en 1940 vont précipiter son rapprochement avec les milieux collaborateurs, qui voient en lui un porte-parole éloquent et radical.

En 1943, Henriot rejoint le régime de Vichy comme Secrétaire d’État à l’Information et à la Propagande. Il devient rapidement le pilier de la propagande pro-allemande, utilisant la radio pour diffuser les messages du régime et tenter de gagner l’adhésion de la population française à la collaboration avec l’occupant. À une époque où les médias sont strictement contrôlés, Henriot excelle dans l’art oratoire, mobilisant des arguments anti-gaullistes et antisémites, et cultivant une rhétorique incendiaire contre les résistants qu’il qualifie de « terroristes ». Ses discours radio sont particulièrement célèbres et redoutés : il s’adresse directement aux auditeurs, cherchant à les convaincre de la légitimité du régime de Vichy et de l’alliance avec l’Allemagne, tout en dénonçant vigoureusement les Alliés et la Résistance.

Henriot s’impose comme une figure paradoxale du régime de Vichy. S’il est admiré par les partisans de la collaboration pour sa force de conviction et sa maîtrise de la parole, il est également craint et méprisé par une grande partie de la population française, qui voit en lui un traître. Son rôle dans la diffusion de la propagande pro-nazie fait de lui une cible privilégiée pour la Résistance. En juin 1944, alors que les forces alliées se rapprochent de la France et que la fin de l’occupation semble de plus en plus inéluctable, Philippe Henriot est assassiné par des membres de la Résistance intérieure française. Son élimination marque un tournant symbolique dans la lutte contre la collaboration et affaiblit le moral des soutiens du régime de Vichy, déjà fragilisés par les revers militaires de l’Allemagne.

L’héritage de Philippe Henriot est aujourd’hui empreint de polémique et de condamnation. Son rôle au sein du régime de Vichy et son zèle à défendre la propagande allemande ont fait de lui une figure détestée de l’histoire française, un exemple des dérives de la collaboration active avec l’occupant nazi.