Avec l’épidémie de Covid-19, des millions de personnes ont perdu l’odorat – parfois en même temps que le goût. Pour mieux comprendre les liens essentiels tissés par les perceptions olfactives entre le cerveau humain et le monde qui l’entoure, la documentariste Cosima Dannoritzer mène l’enquête dans un univers sensoriel largement méconnu, exploré par un nombre croissant de chercheurs.

Comme le chef étoilé Emmanuel Renaut, à Megève, qui a envisagé un temps de renoncer à son métier, des millions de personnes ont perdu l’odorat, parfois en même temps que le goût, à la suite d’une infection par le Covid 19. Ces symptômes ont mis en lumière pour le commun des mortels ce que les chercheurs savaient déjà, et ont amplifié les programmes scientifiques dans ce domaine, notamment pour aider les patients à retrouver leurs capacités olfactives. Que ce soit pour savourer les arômes complexes d’un plat, ressentir la proximité affective de ses proches, exprimer une émotion ou être alerté d’un danger, l’odorat tisse entre notre cerveau et le monde extérieur des liens essentiels, mais dont nous ne sommes que rarement conscients. De Dresde à Stockholm en passant par Paris, ce passionnant jeu de piste dans les laboratoires de recherche à la découverte de ce qui se trame sous (et dans) notre nez ouvre les portes d’un univers sensoriel encore largement méconnu.

Nos papilles ne discernent en réalité que cinq goûts : sucré, salé, amer, acide et « umami », un terme japonais signifiant… « savoureux », et rapporté parfois à la rondeur du bouillon de viande. Tout le reste de ce que nous appelons le goût provient en fait des informations transmises à notre cortex par des récepteurs olfactifs classés en plus de 400 familles différentes. La recherche internationale a récemment identifié le système neuronal qui les régit et connaît donc désormais l’origine de l’anosmie ou hyposmie (perte totale ou partielle de l’odorat), ce qui lui permet par exemple de travailler sur des implants olfactifs afin de remédier aux cas autrement incurables. En parallèle, elle a mis en évidence la puissance méconnue de ce sens généralement relégué au second plan. Directement relié à la mémoire, l’odorat, comme Marcel Proust l’évoqua avec sa madeleine trempée dans la tisane de tilleul, a ainsi le pouvoir de faire resurgir les émotions du passé. On découvre aussi comment, de façon inconsciente mais décisive, notre nez influence nos attirances amoureuses et amicales, permet de détecter la peur ou la joie chez autrui, et même, s’il est particulièrement sensible, la bonne ou la mauvaise santé d’un organisme. En France, la recherche médicale travaille ainsi avec des chiens pour décoder les marqueurs olfactifs de certaines maladies, dont le cancer du sein, et pouvoir ainsi les traiter précocement… Loin d’être un simple vestige sensoriel légué par de lointains ancêtres chasseurs-cueilleurs, l’odorat continue de guider chaque instant de notre vie.

Documentaire de Cosima Dannoritzer (France, 2024, 53mn)
Documentaire disponible jusqu’au 08/04/2025