Suicides de détenus, réels ou suspects… Le mitard, le quartier disciplinaire, constitue l’angle mort des prisons françaises. Au travers de saisissants témoignages, ce documentaire alerte sur l’inhumanité de cet outil de répression.

Le 27 mai 2019, peu de temps après son placement au quartier disciplinaire, Amara Fofana mourait à la prison de Réau, officiellement par pendaison. Comme son codétenu, son frère Mahamadou n’a jamais cru à la version du suicide et se bat depuis pour connaître la vérité : « Amara n’était pas suicidaire. » Les dernières images de vidéosurveillance le montrent marchant dans les couloirs, guitare à la main, avant l’intervention des surveillants. Mais sur ces bandes, remises aux enquêteurs par l’administration pénitentiaire, il manque vingt-quatre minutes : un élément troublant sur lequel s’appuie aujourd’hui Mahamadou pour relancer l’affaire. « Le mitard a tué notre fils ! », dénonce, de son côté, la mère de Sacha, 18 ans, qui s’est pendu au quartier disciplinaire de la maison d’arrêt de Saint-Brieuc, après une première tentative de suicide. Le jeune homme avait volé 2 000 euros dans la grande surface où il travaillait. Bâillonné, menotté et molesté par plusieurs agents pénitentiaires, Sambaly Diabate, lui, est mort par asphyxie en 2016 à la maison centrale de Saint-Martin-de-Ré. Jugés pour homicide et non-assistance à personne en danger, les surveillants poursuivis ont été relaxés ou condamnés à des peines d’un à deux ans de prison avec sursis. « Ils ont tué mon frère comme un chien et ils se la coulent douce, tranquilles ! », hurle Oumou, à la sortie du tribunal, s’insurgeant contre l’inhumanité du régime pénitentiaire. Le placement au quartier disciplinaire (QD), ou mitard, constitue la punition en cas de non-respect des règles de la détention. Les plus fragiles n’y survivent pas. Alors que le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT) estime qu’une telle sanction ne devrait pas excéder quatorze jours, en France, elle peut se prolonger jusqu’à trente.

À l’abri des regards

Avec, en fil rouge, le combat de Mahamadou en la mémoire de son frère, ce saisissant documentaire croise les récits des familles endeuillées et les témoignages d’anciens détenus, mais aussi d’un directeur de prison et d’agents pénitentiaires. Ceux qui ont connu les quartiers disciplinaires racontent l’isolement, les conditions dégradantes, la rage et la douleur qui peut conduire à la folie. Mohamed évoque ce « sentiment de ne plus exister aux yeux de personne ». À l’abri des regards, dans l’angle mort des caméras, les détenus confinés dans leurs cellules se retrouvent à la merci de surveillants parfois violents. Levant le voile sur l’un des lieux les plus sombres de la République, ce film dénonce l’inhumanité du mitard et questionne l’utilité de cet outil de répression.

Documentaire de Vincent Marcel et Laurence Delleur (France, 2023, 53mn)
Disponible jusqu’au 06/12/2023

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