Richard Copans, qui fut son chef-opérateur, producteur et ami, explore le cinéma engagé de Robert Kramer, réalisateur fasciné par le réel, dans un film expérimental que ce dernier n’aurait pas renié.
En vingt ans d’amitié, Robert Kramer et Richard Copans n’ont eu de cesse de mêler cinéma et militantisme. Quittant les États-Unis pour capturer la révolution des œillets au Portugal et la guerre d’indépendance en Angola, « Ritchie » Kramer pose le pied à Paris en 1979 afin de réaliser son prochain film, Guns. À la recherche d’un directeur de la photographie, il sollicite Richard Copans, qui deviendra également son producteur. À toute allure (1982), Doc’s Kingdom (1987), Sous le vent (1991)… Ils réaliseront douze films ensemble. Portés par une volonté inébranlable de « saisir le réel », ils se lancent en 1989 dans le tournage de Route One/USA, un road-movie sur cette route légendaire, qui traverse les États-Unis du nord au sud en longeant la côte Est. Alors qu’il vient d’achever le montage de Cités de la plaine, Robert Kramer décède en 1999 d’une méningite.
« Le documentaire, c’est le jazz du cinéma, on écrit le scénario à la fin du film », avance Richard Copans, rapportant des paroles de Robert Kramer. S’adressant directement à lui, le chef-opérateur livre autant une déclaration d’amitié au cinéaste défunt qu’une réflexion sur le septième art et sa puissance politique. Comment raconter le monde ? Le cinéma peut-il aider à le faire changer ? Autant de questions que s’est posées le réalisateur de Milestones. Au cœur de Looking for Robert, le film Route One/USA, chef-d’œuvre naturaliste, à la lisière de la fiction et du documentaire, incarne cette volonté de Kramer de rendre compte de la vie au plus près. Des fondamentalistes aux vétérans de guerre en passant par les immigrés et autres laissés-pour-compte, ce voyage de quatre heures brosse le portrait d’une Amérique désabusée, appauvrie par le reaganisme et traumatisée aussi bien physiquement que moralement par le Viêtnam. Marqué à vie par cette rencontre, Richard Copans tisse les soixante-cinq heures de rushs de ce road-movie culte, des images d’archives et ses souvenirs pour composer un film expérimental à la hauteur de l’art de celui auquel il rend hommage.
Documentaire de Richard Copans (France, 2024, 1h14mn)
Disponible jusqu’au 21/11/2029