Le choc de l’assassinat d’un industriel allemand par l’IRA a condamné au suicide sa femme, l’une de ses deux filles et son gendre. Grâce aux témoignages des petites-filles de la victime, retour sur une période de violence qui a endeuillé trois générations.

L’enlèvement puis l’assassinat de Thomas Niedermayer à l’hiver 1973 s’inscrivent dans une succession d’événements tragiques qui ont déchiré l’Irlande du début des années 1970. Un an plus tôt, le Bloody Sunday laissait quatorze civils désarmés morts sur une chaussée de Derry, assassinés par l’armée britannique – et la région en proie aux premiers signes d’une guerre civile. En représailles, l’IRA lançait une campagne d’attentats à la bombe sur le sol d’Irlande du Nord et en Angleterre. Mais rien ne laissait présager que l’organisation s’en prendrait à Thomas Niedermayer, dirigeant de l’usine Grundig de Belfast et consul honoraire de la RFA domicilié en Irlande depuis plus de quatorze ans. Le cerveau des attentats menés par l’IRA à cette époque, Michael Keenan, était un ancien ouvrier de son usine… La famille Nierdermayer demeurera sept ans dans l’incertitude avant d’obtenir la preuve de la mort du kidnappé, enterré dans les bois à un kilomètre du domicile après que l’enlèvement eut mal tourné. Ses proches ne s’en remettront jamais. 

Cycle de traumatisme

Selon les recherches du journaliste David Blake Knox dans son livre Face Down (non traduit), dont est adapté le documentaire de Gerry Gregg, l’industriel allemand aurait dû servir à l’IRA de monnaie d’échange contre les sœurs Dolours et Marian Price, deux poseuses de bombes emprisonnées en Angleterre. Un coup trop violent porté au crâne de Thomas Niedermayer aura forcé l’IRA à changer ses plans, cacher le corps et tenir sa langue pendant plus de sept ans, avant qu’un informateur de la police ne finisse par révéler la vérité. Sept ans durant lesquels la famille s’est délitée sous l’angoisse, aboutissant dans les années qui ont suivi à une vague de suicides : celui de la femme de l’industriel, qui revint en Irlande dix ans après la découverte du corps de son mari et entra dans la mer pour n’en plus ressortir, suivi de l’une de ses deux filles, Gabriele, présente le soir du kidnapping, en 1993, pour finir enfin par celui du mari de cette dernière en 1996. Un documentaire qui, par le prisme des témoignages, étudie le « cycle de traumatisme, de chagrin et de culpabilité du survivant », selon les mots de la petite-fille de l’industriel, qui a paralysé des dizaines de familles comptant leurs morts en Irlande du Nord, des années 1970 jusqu’à l’accord du « Vendredi saint » signé en 1998.

Documentaire de Gerry Gregg (Irlande/France, 2023, 51mn)
Disponible jusqu’au 03/10/2024