En 1993, en assassinant toute sa famille, Jean-Claude Romand faisait voler en éclats une vie de mensonges. Fasciné d’emblée par cette affaire, Emmanuel Carrère revient sur la douloureuse gestation du livre qu’il lui a consacré. Il n’était pas médecin, pas plus que chercheur comme tous le croyaient. Il ne travaillait ni à l’Inserm, ni à l’OMS, où il assurait avoir son bureau à Genève : Jean-Claude Romand avait arrêté ses études de médecine après avoir pourtant réussi sa première année. Au matin du 10 janvier 1993, les pompiers ont sorti de sa maison incendiée les corps inertes de sa femme et de leurs deux enfants. Lui-même a été conduit inconscient à l’hôpital. Peu après, ses parents et leur chien ont été retrouvés morts eux aussi dans leur pavillon. Le 16 janvier, alors qu’il vient d’achever la biographie romancée de Philip K. Dick, Emmanuel Carrère lit dans Libération l’article que Florence Aubenas consacre à ce fait divers survenu dans le pays de Gex, à deux pas de la frontière suisse. Fasciné par l’histoire de ce menteur, le romancier décide de contacter Romand, puis d’assister comme chroniqueur judiciaire à son procès pour Le nouvel observateur. Une question le hante : que se passait-il dans la tête de Jean-Claude Romand pendant ses journées vides, sans témoin ? Sept ans durant, l’écrivain va tourner autour de cette énigme.
Vingt-quatre ans après la publication de L’adversaire, Emmanuel Carrère se souvient. De sa découverte de l’affaire, de la première lettre qu’il a envoyée à Jean-Claude Romand, de son désarroi aussi au fil de la douloureuse gestation de son livre : « Il y a quand même d’autres choses dans la vie auxquelles on peut s’intéresser qu’un type qui a tué toute sa famille après avoir menti pendant dix-huit ans. » Il n’a rien oublié de ses phases de découragement jusqu’à ce qu’il se rende compte « qu’écrire à la première personne, c’était ça, la place juste. Parce que c’était assumer de faire partie de l’histoire ». Ponctué de passages du livre lus par Carrère lui-même, d’archives (extraits de ses interviews, de journaux radio et télé sur l’affaire…) et d’images des différents lieux du dossier Romand, le documentaire donne la parole, en contrepoint à l’interview de l’écrivain en fil rouge, au magistrat Jean-Olivier Viout, avocat général lors du procès, ainsi qu’aux écrivains Neige Sinno, Angie David, Philippe Jaenada et David Dufresne, qui y fut également chroniqueur judiciaire.
Documentaire disponible jusqu’au 26/05/2025