Bienvenue à Détroit, « la capitale du crime des États-Unis », où l’herbe pousse sur les parkings et où les maisons sont abandonnées. Ici, une nouvelle vie commence lentement à prendre forme et à s’emparer de la ville désertée. Mais même si les graffits annonce un avenir apocalyptique, il n’y a pas de raison de paniquer.

« Detroit Ville Sauvage » observe avec un regard curieux et avec distance les changements dans les paysages urbains à un moment historique où un « post- » est écrit avant « utopies », « humanité » et « capitalisme du dollar ». Des catastrophes invisibles ont ruiné la ville, et tout ce qu’il en reste, ce sont des traces sous la forme de publicités radiophoniques sur l’allégement de la dette, des meutes de chiens errants, et une mystérieuse pile de livres New Age brûlés. Mais en marge de tout cela, les gens ont commencé à se réorganiser en sociétés autonomes, où les habitants cultivent des légumes et croient encore en l’avenir, mais pas comme une extension du présent. Florent Tillon garde la tête froide et, tel un Jim Jarmusch français, il braque sa caméra là où les idées nouvelles poussent sur les ruines de la croyance du XXe siècle en un progrès éternel. Et où le fait de savoir que quelque chose de nouveau va se produire est une bonne nouvelle inhabituelle.

Détroit, symbole de la puissance industrielle américaine, siège du géant General Motors, a été frappée de plein fouet par la crise des subprimes et par la délocalisation de l’industrie automobile en 2007-2008. La Motor City, l’une des villes les plus prospères d’Amérique, est devenue en peu de temps le symbole du déclin du rêve américain. La ville a déclaré une faillite record de 18 milliards de dollars. En 2010, cette ville en perte de vitesse a perdu plus de la moitié de sa population, alors qu’elle était la quatrième ville des États-Unis. Le chômage, l’augmentation des impôts et l’absence de réponse politique efficace à ce déclin et à cette pauvreté croissante ont poussé la population à quitter la ville. Si la Rust Belt a été durement touchée par la crise financière, les conséquences ont été plus tragiques à Détroit. La ville est devenue comme une ville fantôme, vidée de sa population. En effet, la classe moyenne s’est déplacée vers les banlieues pour trouver de meilleurs emplois, de meilleures écoles pour leurs enfants et surtout pour échapper à la criminalité croissante de Détroit. La Motor City a été qualifiée par certains de « zone de guerre de l’Amérique » en raison de la pauvreté, des gangs, de la drogue et du chômage. Il n’est pas étonnant que la colère de la classe moyenne américaine ait conduit à l’élection de Trump à la présidence, dans l’espoir d’un nouvel essor, pour que l’Amérique redevienne grande.

Beaucoup ont été livrés à eux-mêmes, sans logement, et aux prises avec ce dysfonctionnement social et l’inaction des politiques. De fait, certains habitants, dans l’esprit libertaire américain, redonnent vie à leur ville, tels les pionniers. Les chantiers se multiplient (tramway, stade…) et l’agriculture urbaine se développe sur les ruines. La Motor City se réinvente et tel un phoenix renait de ses cendres.

Titre originale : Détroit, Ville Sauvage
Un film de Florent Tillon