La Loire, fleuve emblématique de la France, joue un rôle central dans le commerce et la circulation des marchandises au XVIIe siècle, notamment sous le règne de Louis XIV, et jusqu’à la Révolution française. Ce fleuve, qui traverse le cœur du royaume, devient une artère essentielle pour l’acheminement de nombreuses denrées, parmi lesquelles le sucre occupe une place de choix.
Le sucre, alors considéré comme un produit de luxe, est principalement importé des colonies françaises, notamment des Antilles, où la culture de la canne à sucre se développe rapidement grâce au travail forcé des esclaves. Les ports de la façade atlantique, tels que Nantes et Saint-Nazaire, se transforment en centres névralgiques de ce commerce.
Nantes, en particulier, tire profit de sa position stratégique sur l’estuaire de la Loire pour devenir l’un des principaux pôles du commerce triangulaire. Les navires partent chargés de marchandises diverses, échangées contre des esclaves en Afrique, qui sont ensuite transportés vers les colonies pour travailler dans les plantations de canne à sucre.
Enfin, le sucre brut est ramené en métropole, où il est raffiné dans les grandes villes du bassin ligérien.
Sous Louis XIV, le commerce du sucre est étroitement contrôlé par l’État, notamment à travers des monopoles accordés à des compagnies telles que la Compagnie des Indes occidentales. Le roi, conscient des revenus substantiels que génèrent les taxes sur cette denrée, favorise l’essor de la production coloniale et le développement des infrastructures portuaires sur la Loire.
À cette époque, consommer du sucre est un signe de richesse et de raffinement. Il est utilisé pour confectionner des confiseries, des pâtisseries et même des médicaments. La cour de Versailles, toujours avide de luxe, en fait un usage ostentatoire, renforçant ainsi l’attrait pour cette substance parmi les élites.
Cependant, ce commerce florissant repose sur des bases éthiquement contestables. L’exploitation des esclaves dans les colonies, la violence du commerce triangulaire et les conditions souvent périlleuses du transport maritime témoignent de l’envers sombre de cette prospérité.
Ce modèle économique s’accompagne également de tensions sociales et politiques, exacerbées par les inégalités criantes qu’il engendre. À mesure que la Révolution approche, les idées des Lumières dénoncent de plus en plus ces pratiques. Des voix s’élèvent pour condamner l’esclavage et réclamer une réforme des structures commerciales.
La Révolution française marque un tournant décisif pour le commerce du sucre et le rôle de la Loire. La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 met en lumière les contradictions entre les idéaux de liberté et les pratiques esclavagistes. Bien que l’esclavage ne soit aboli qu’en 1794 (et brièvement rétabli sous Napoléon), cette période voit une remise en question des structures économiques traditionnelles.
Les ports ligériens, autrefois prospères grâce au commerce colonial, sont touchés par les bouleversements politiques et économiques. Par ailleurs, les guerres révolutionnaires perturbent les échanges maritimes, limitant l’approvisionnement en sucre.