Depuis près de 15 ans, Edward Kaprov photographie Israéliens et Palestiniens le long des frontières d’Israël, lignes de séparation entre deux visions de la même terre. Dans les kibboutz aux alentours de Gaza, dans les villages palestiniens et les implantations juives de Cisjordanie ou encore dans les hameaux arabes bédouins proches du Liban. 

Edward démontre au gré de ses rencontres que les jalons d’une possible coexistence pacifique existent bel et bien, malgré l’attaque du 7 octobre. Comment se reconstruire, envisager un avenir commun entre Israéliens et Palestiniens après un tel traumatisme ? 

David Ben Shabbat vit dans le village d’Aramsha dans la région d’Hébron à proximité de la barrière de sécurité qui sépare Israël de la Cisjordanie. Il a fondé une fabrique de tahini avec un partenaire palestinien dans la vielle ville d’Hébron. Convaincus que juifs et arabes ont un avenir commun, ils se serrent les coudes pour que leur entreprise et leur amitié survivent aux conséquences du strict blocus imposé sur toutes les villes de Cisjordanie. « Ici, on a une vieille tradition du “vivre ensemble” qui a fait ses preuves. Si seulement on pouvait s’en inspirer, on aurait un début de solution. »
Ehud Krinis milite pour le mouvement « La paix maintenant » depuis les années 80. Avec son groupe, il sillonne les villages arabes de Cisjordanie et les aide à faire face aux attaques de leurs voisins colons juifs. « La paix n’est pas qu’une question d’accords. Il s’agit avant tout de construire des relations respectueuses et humaines entre les personnes. » 
Azzam Nuaje a appris l’hébreu avec une famille survivante de l’holocauste qu’il considérait comme ses seconds parents. Après le 7 octobre, des colons masqués l’ont attaqué. « Je ne partirai pas. Jamais ! Ils devront me passer sur le corps plutôt que me déplacer d’un centimètre d’ici. »
Dans le village bédouin d’Arab-al Aramsha, à la frontière nord avec le Liban, la plupart des résidents ont été évacués à cause des tirs incessants du Hezbollah. Ahmad Mazen, lui, est resté. Il se sent israélien. « Nos jeunes partent à l’armée, certains les considèrent comme des traîtres. Pour les Israéliens, ils protègent l’État. Mais quand ça les arrange, on redevient arabes. On n’est donc ni d’ici, ni de là-bas. »
Comme pour Ukraine : un photographe dans la guerre, Edward Kaprov propose un carnet de route le long des trois frontières d’Israël. Il utilise le même procédé du collodion humide pour immortaliser sur plaques de verre les protagonistes de son film et prendre le temps de raconter leurs histoires, leurs colères, leurs doutes, leurs angoisses et leurs espoirs face à l’avenir.

Reportage d’Edvard Kaprov (France, 2024)
Disponible jusqu’au 14/05/2027