Dès l’aube de l’humanité, nos ancêtres ont entrepris d’opérer leurs semblables. Il y a cent trente mille ans déjà, on pratiquait des trépanations ; les Grecs et les Romains savaient soigner les fractures et certaines tumeurs. On ignorait pourtant pratiquement tout du corps humain : c’est la très approximative théorie hippocratique des humeurs, perfectionnée au IIe siècle de notre ère par le médecin Claude Galien, qui fait foi en Occident jusqu’à la Renaissance, avant d’être rendue obsolète par les découvertes anatomiques des humanistes André Vésale ou Ambroise Paré. Longtemps rattachée au métier de barbier, la pratique chirurgicale gagne son indépendance et ses lettres de noblesse avec Charles-François Félix, qui débarrasse le roi Soleil, avec succès, d’une fistule anale. Tandis qu’outre-Manche John Hunter ou Robert Liston opèrent avec célérité, dans des amphithéâtres bondés, des patients souffrant le martyre, l’invention de l’anesthésie en 1846, à Boston, révolutionne la chirurgie, qui s’affranchit enfin de la douleur. Mais c’est aussi la découverte des bactéries – et la promotion par Joseph Lister de l’asepsie en salle d’opération – qui permettra de faire chuter les infections postopératoires ainsi que la mortalité en couches, et de propulser la discipline dans la modernité.