Un matin de mars 1995 dans le métro bondé de Tokyo, l’attaque criminelle au gaz sarin par les membres de la secte Aum crée une sidération mondiale. L’écrivain Haruki Murakami, rentré depuis peu dans son pays après des années d’exil en Occident, est sous le choc. Il délaisse ses récits de fiction pour répondre à une urgence et se fait enquêteur d’un réel qui lui échappe.
Dans Underground, paru deux ans après l’attentat, il recueille les témoignages des victimes, leur donne des visages, raconte leur histoire à contre-courant des raccourcis médiatiques de l’époque. Il tente aussi de comprendre qui sont les adeptes de cette secte, les mécanismes d’emprise, la force magnétique de ce gourou, afin de mieux saisir les rouages de cette vaste entreprise mortifère. Meurtres non élucidés, inquiétantes disparitions, enlèvements mystérieux, la secte Aum et ses pulsions criminelles devient le symptôme d’une crise de société. La police patine, les médias caricaturent et Murakami questionne ce qui est tu et caché, les facettes les plus taboues d’une société entière.
C’est un tournant dans son parcours d’écrivain. Son écriture sera désormais celle d’un auteur engagé. C’est ainsi qu’il regarde bien en face, se confronte à ce Japon qu’il a fui, contraint, normé, où l’individu est absorbé dans le collectif, tenté par les gouffres des centaines de sectes qui se démultiplient dans tout l’archipel depuis des décennies. 15 ans après son travail documentaire, son imaginaire se déploie avec la parution d’une oeuvre fleuve, sa trilogie mondiale, 1Q84, dystopie visionnaire traduite en plus de vingt langues. L’emprise sectaire et ses noirs crimes y est auscultée mais aussi les raisons de son déploiement à l’échelle du pays, toutes générations confondues.
Haruki Murakami invente alors une littérature de la consolation, de réparation mais aussi pour ses lecteurs, source d’émancipation.
Un documentaire de Claire Laborey (France, 2024, 52min)
Documentaire disponible jusqu’au 26/05/2025