Rencontre avec Glenn Close, une actrice d’une vibrante sincérité, qui a surmonté les blessures de son enfance par sa passion du jeu, son empathie pour ses personnages et son féminisme à l’instinct.
Cruella d’Enfer est le seul de ses personnages avec lequel Glenn Close n’a pas sympathisé en secret. Mais elle s’est follement amusée dans le rôle, malgré les fourrures écrasantes et les escarpins impossibles de la spectaculaire méchante des 101, puis 102 dalmatiens. Comme le reste des centaines de costumes qu’elle a portés dans 43 autres films, l’actrice a obtenu par contrat le droit de les conserver. Peut-être parce que de ses premières années, passées en liberté dans la ferme de ses grands-parents, dans le Connecticut, elle garde le souvenir d’une fête annuelle : la représentation de Casse-Noisette, mis en scène à New York par l’un de ses oncles. En coulisses, elle découvre un soir l’habit du rôle-titre accroché sur un mur. « À partir de là, j’ai toujours eu le sentiment qu’on crée d’abord le costume et que l’acteur vient lui donner vie, mouvement et sens. » Au travers de cette collection unique en son genre, ce portrait revisite son éclatante carrière au fil de ses incarnations les plus marquantes : la blouse d’infirmière de l’indestructible Jenny (dans Le monde selon Garp, son premier grand rôle au cinéma, en 1982), le manteau de cuir de la « bouilleuse de lapin » psychotique de Liaison fatale, les robes-armures et les corsets de la marquise de Merteuil (Les liaisons dangereuses), la livrée de la majordome irlandaise travestie par nécessité d’Albert Nobbs, dont elle a coécrit le rôle…
C’est avec l’hommage débordant d’émotion à ses grands-mères et à sa mère, prononcé en 2019, lorsque The Wife lui vaut son troisième Golden Globe, que Catherine Ulmer Lopez ouvre ce documentaire. Croisant les extraits de ses films avec des entretiens d’archives – et une rencontre exclusive en forme de clin d’œil –, la réalisatrice met en regard la jubilation de l’actrice à se fondre dans ses rôles et sa franchise sans détours dans la vraie vie. Confiée à 7 ans avec ses frère et sœurs par leurs parents au mouvement évangélique du Réarmement moral, qu’elle dénonce comme une secte répressive, elle n’a cessé de lutter pour surmonter les inhibitions engendrées par cette longue réclusion. « Sauvée » par le théâtre, qu’elle découvre à 22 ans à l’université, elle a fait de ses traumatismes de jeunesse la source de son féminisme instinctif et de sa compassion pour ses personnages – de l’Alex de Liaison fatale, en qui elle voit une victime d’inceste, à la grand-mère white trash d’Une ode américaine (2020), adapté du livre autobiographique du désormais vice-président J. D. Vance, adversaire politique qu’elle combat aujourd’hui dans les manifs proavortement.
Glenn Close, l’art de la transformation
Documentaire de Catherine Ulmer Lopez (France, 2024, 53mn)
Disponible jusqu’au 13/07/2025