Felix Kersten, un personnage méconnu de l’histoire, a pourtant joué un rôle déterminant dans la sauvegarde de nombreuses vies durant la Seconde Guerre mondiale. Né en Estonie en 1898, il était un thérapeute spécialisé dans la médecine manuelle, en particulier le massage. Cette compétence singulière, qui semblait d’abord ordinaire, allait devenir une arme puissante contre l’inhumanité des nazis.
Kersten se retrouva au cœur des événements par une série de circonstances aussi improbables que décisives. Il devint le médecin personnel de Heinrich Himmler, l’une des figures les plus redoutées du régime nazi et architecte de la « solution finale ». Souffrant de douleurs chroniques, Himmler chercha les soins de Kersten, dont les talents étaient largement reconnus. Ce qui aurait pu être une simple relation professionnelle évolua rapidement en un lien étrange et complexe, où Kersten, tout en soulageant les douleurs physiques du chef SS, s’impliqua dans des discussions cruciales sur des sujets de vie ou de mort.
Kersten, avec une intelligence et une habileté remarquables, utilisa sa position privilégiée pour négocier la libération de milliers de personnes. À plusieurs reprises, il convainquit Himmler d’adoucir ses décisions, sauvant ainsi des prisonniers politiques, des Juifs, et des résistants promis à une fin tragique. Son influence subtile mais efficace fit de lui un sauveur discret dans l’enfer nazi. Kersten, tout en naviguant les méandres du pouvoir, parvint à jouer sur les faiblesses et la superstition de Himmler, qui croyait aux pouvoirs quasi mystiques de la thérapie de Kersten.
Le cas le plus emblématique de son courage fut sans doute en 1945, lorsqu’il réussit à persuader Himmler d’autoriser la libération de milliers de prisonniers des camps de concentration, permettant ainsi leur évacuation vers la Suède grâce aux efforts de la Croix-Rouge. Il n’avait aucun devoir moral envers ces victimes, mais son humanité, alliée à son audace silencieuse, fit de lui un acteur majeur dans le sauvetage de vies humaines à un moment où l’Europe sombrait dans la barbarie.
Kersten ne cherchait pas la gloire. Après la guerre, il retourna à une vie paisible, éloignée des feux de la rampe. Cependant, son rôle crucial fut reconnu par plusieurs gouvernements et communautés, notamment la Finlande et Israël, où il fut honoré pour ses efforts héroïques. Il resta pourtant humble jusqu’à la fin de sa vie en 1960, convaincu que le véritable courage réside dans l’action discrète, sans la quête de reconnaissance.