Article | Faire son deuil… mais de quoi parle-t-on vraiment ?

Le mot « deuil » résonne en chacun de nous de manière différente. Il évoque la perte, la douleur, parfois le silence ou l’absence. Pourtant, faire son deuil n’est pas une simple formalité psychologique, ni une ligne droite avec un début et une fin clairement définis. Ce processus touche à l’intime, à ce qui nous lie aux autres et à nous-mêmes.

Et surtout, il ne concerne pas uniquement la mort d’un être cher. Alors, de quoi parle-t-on vraiment quand on parle de deuil ?

Le deuil : une réaction humaine, universelle… et multiple

Le deuil est souvent associé à la perte d’une personne aimée, mais il s’applique aussi à toute forme de perte significative. Cela peut être la fin d’une relation, la perte d’un emploi, d’un rêve, d’une maison ou même d’un état de santé. Le deuil, c’est ce moment suspendu où notre monde bascule.

« Le deuil n’est pas uniquement ce que l’on vit après un enterrement, c’est ce que l’on traverse chaque fois que notre réalité se brise. »

Tout le monde vit un deuil à sa manière. Certains pleurent, d’autres se taisent. Certains cherchent à se distraire, d’autres s’isolent. Il n’existe pas de bonne ou de mauvaise manière de faire son deuil, il n’y a que des chemins personnels, parfois sinueux, parfois brutaux.

Comprendre les différentes formes de deuil

Il est essentiel de reconnaître que le deuil ne se résume pas à la perte d’un être vivant. Voici quelques formes moins connues mais tout aussi intenses :

  • Le deuil blanc : il survient quand une personne est toujours vivante mais absente mentalement ou émotionnellement, comme dans le cas d’Alzheimer.
  • Le deuil amoureux : rupture sentimentale, divorce ou fin d’un amour non partagé.
  • Le deuil symbolique : perte d’un projet de vie, d’un rêve, d’une croyance.
  • Le deuil professionnel : perte de travail, changement de statut ou départ à la retraite mal vécu.

« Il y a des absences qui nous hantent autant que des morts. »

Reconnaître ces formes de deuil, c’est déjà commencer à les accueillir. Car trop souvent, ce qui n’est pas légitimé par les autres est refoulé. Or, ce qui n’est pas nommé reste enfermé.

Les étapes : une théorie à relativiser

La célèbre psychiatre Elisabeth Kübler-Ross a identifié cinq étapes du deuil : le déni, la colère, le marchandage, la dépression et l’acceptation. Si ce modèle a aidé à comprendre les réactions face à la perte, il ne faut pas en faire une règle rigide.

« Le deuil ne se vit pas en ligne droite, c’est un labyrinthe d’émotions où l’on revient parfois en arrière. »

Dans la réalité, on peut vivre plusieurs étapes en même temps, ou aucune d’elles dans l’ordre prévu. Ce qui compte, ce n’est pas de cocher des cases, mais de laisser de l’espace à l’émotion, sous toutes ses formes.

À retenir sur le processus de deuil :

  • Il peut durer des semaines, des mois, voire des années.
  • Il peut réapparaître à certaines dates ou situations particulières.
  • Il n’a pas de fin absolue : on vit avec, on ne l’efface pas.

Pourquoi est-il si difficile de faire son deuil ?

Le deuil nous confronte à notre impuissance, à notre fragilité. Dans une société qui valorise la performance, l’optimisme et le contrôle, accepter la perte est une forme de rébellion. On voudrait tourner la page, mais certaines pages se relisent sans cesse.

« Ce n’est pas l’absence qui fait mal, c’est tout ce qu’elle nous rappelle. »

En outre, il y a la pression sociale : « Il faut passer à autre chose », « Il faut rester fort », « La vie continue ». Ces phrases bien intentionnées peuvent faire plus de mal que de bien. Elles réduisent l’espace d’expression de la douleur, et culpabilisent ceux qui prennent du temps à se reconstruire.

Le deuil non reconnu : une souffrance invisible

Certaines pertes ne sont pas reconnues par la société. C’est le cas, par exemple, d’une fausse couche, d’un animal de compagnie disparu, ou encore d’un amour secret perdu. Ce type de deuil est souvent minimisé ou ignoré, ce qui accentue la souffrance.

  • La société ne donne pas toujours le droit de pleurer certaines pertes.
  • Le silence des autres rend la douleur plus lourde à porter.
  • Le manque de rituels empêche parfois de symboliser la séparation.

« On pleure plus fort quand personne ne vous écoute. »

Le besoin de reconnaissance est essentiel dans tout deuil. Il ne s’agit pas de dramatiser, mais simplement de valider la perte, quelle qu’elle soit.

L’importance des rituels et du symbolique

Les rituels – funérailles, hommages, cérémonies – ont une fonction bien plus profonde que ce que l’on croit. Ils permettent de dire au revoir, de donner une forme à l’absence, de commencer un chemin de reconstruction. Même dans les deuils symboliques, inventer ses propres rituels peut être d’un grand secours.

Voici quelques idées de rituels personnels :

  • Écrire une lettre à la personne ou à la chose perdue.
  • Allumer une bougie chaque soir pendant une période définie.
  • Planter un arbre en mémoire.
  • Créer une boîte à souvenirs.

« Les rituels ne ressuscitent pas, mais ils réconcilient. »

Pour faire son deuil, il est parfois essentiel de poser des gestes concrets, même simples, pour rendre visible l’invisible et donner une place symbolique à ce qui a été perdu. Ritualiser, c’est donner une structure à l’invisible, à l’émotion brute. C’est aussi honorer ce qui a compté, sans chercher à l’effacer.

Deuil et transformation intérieure

Le deuil, aussi douloureux soit-il, est aussi un puissant levier de transformation. Beaucoup de ceux qui ont traversé de grandes pertes témoignent d’un changement profond dans leur manière d’aimer, de vivre, de ressentir.

« Ce que le deuil détruit, il peut aussi révéler. »

Après un deuil, certains se réorientent professionnellement, changent de priorités, développent une spiritualité, ou se reconnectent à des valeurs essentielles. Ce n’est pas une obligation, mais une possibilité : la perte peut ouvrir à un nouveau regard sur l’existence.

Comment accompagner quelqu’un en deuil ?

Être présent pour une personne endeuillée, c’est un art délicat. Il ne s’agit pas de consoler à tout prix, mais surtout d’écouter, de respecter les silences, de ne pas juger. Voici quelques attitudes aidantes :

  • Éviter les phrases toutes faites comme « il est mieux là où il est ».
  • Proposer une présence régulière, même discrète.
  • Ne pas forcer la personne à parler, mais être disponible si elle le souhaite.
  • Reconnaître la douleur sans la minimiser.

« Ce n’est pas ce qu’on dit qui console, c’est le fait de rester là. »

Accompagner, c’est aussi accepter de ne pas avoir les réponses. Le simple fait de ne pas fuir la douleur de l’autre est déjà une immense preuve d’amour.

Deuil et santé mentale : quand faut-il consulter ?

Bien que le deuil soit un processus naturel, il peut parfois se compliquer et conduire à une détresse psychologique intense. Dans ces cas, il est important de ne pas rester seul et de demander de l’aide.

Signes qui peuvent alerter :

  • Troubles du sommeil ou de l’appétit prolongés.
  • Sentiment de vide ou de désespoir qui ne diminue pas.
  • Isolement social extrême.
  • Pensées suicidaires ou comportements à risque.

« Demander de l’aide, ce n’est pas échouer, c’est choisir de vivre. »

Psychologues, groupes de parole, thérapeutes spécialisés dans le deuil : de nombreuses ressources existent. Et il n’est jamais trop tard pour entamer un processus d’accompagnement.

Le deuil n’est pas un oubli

Faire son deuil ne signifie pas effacer, mais transformer. Ce n’est pas cesser d’aimer, mais aimer autrement. La personne, la situation ou le rêve perdu continue d’exister en nous, sous une autre forme. L’absence devient présence autrement.

  • On n’oublie pas, on apprend à vivre avec.
  • On ne remplace pas, on redonne du sens.
  • On ne tourne pas la page, on réécrit le livre.

« Le deuil n’est pas une fin, c’est une métamorphose. »

Et cette métamorphose prend du temps, du silence, parfois des larmes, mais aussi des élans de vie. Car en nous, il reste toujours cette force discrète : celle de continuer malgré tout.