En 327 avant J.-C., Alexandre le Grand quitte la ville de Bactres, déterminé à poursuivre son expédition vers l’est. Il conduit une armée imposante d’environ 60 000 soldats, un effectif impressionnant renforcé par l’arrivée d’un allié local, Taxile.
Ce dernier, un roi indien, apporte avec lui un atout stratégique majeur : une troupe d’éléphants de guerre qui vient s’ajouter aux forces macédoniennes.
Au-delà de la Bactriane, Alexandre et ses hommes pénètrent dans des territoires inconnus pour les Grecs. Pourtant, ces contrées n’étaient pas étrangères aux Achéménides perses, qui avaient déjà exploré ces régions grâce à des éclaireurs comme Scylax de Caryanda.
Malgré ces explorations antérieures, les soldats d’Alexandre avancent dans une incertitude totale, ne sachant pas ce qui les attend de l’autre côté des chaînes montagneuses des Paraponisades.
Ils ont cependant conscience qu’un adversaire redoutable les attend : Pôros, un roi indien, ou Râja, qui avait autrefois régné en tant que satrape pour les Achéménides.
Une région stratégique et hostile
La région que traverse Alexandre correspond à un vaste territoire situé dans l’actuel Pakistan, dominé par les différents affluents de l’Indus, comme l’Hydaspe (aujourd’hui Jhelum), le Chenâb, le Ravi, et l’Hyphase (Sutlej).
Ce territoire, connu sous le nom de Pendjab occidental ou Gandhama, est marqué par des paysages variés et souvent difficiles d’accès. Au-delà encore, Alexandre se rapproche des confins de l’actuelle région du Jammu-et-Cachemire, où l’attend le roi Pôros.
Pôros, stratège averti, a positionné son armée sur les rives de l’Hydaspe, prêt à affronter les troupes macédoniennes. Les deux armées se font face, séparées par le fleuve. Alexandre, maître dans l’art de la ruse militaire, simule une renonciation à la traversée, mais cette manœuvre n’est qu’un subterfuge destiné à détourner l’attention de son adversaire.
Profitant de l’occasion, il identifie un passage stratégique et procède à une manœuvre d’encerclement audacieuse, mobilisant 10 000 fantassins et environ 5 000 cavaliers pour frapper sur les flancs.
Une bataille acharnée et des pertes lourdes
La bataille qui s’ensuit est particulièrement intense. Les Macédoniens, grâce à leur tactique et à la discipline légendaire de leur phalange, parviennent à prendre l’avantage. Toutefois, la confrontation avec les éléphants de guerre indiens, un atout majeur des troupes de Pôros, s’avère extrêmement difficile.
Les chevaux grecs, effrayés par ces immenses créatures, deviennent incontrôlables, obligeant les fantassins à engager un combat direct contre les pachydermes. Ces affrontements mettent à rude épreuve la puissance des hoplites, malgré leur redoutable efficacité.
La victoire revient finalement à Alexandre, mais elle est obtenue au prix de lourdes pertes. Selon les sources, environ 700 soldats grecs périssent lors de cet affrontement, un nombre inhabituel pour l’armée macédonienne. Du côté de Pôros, les pertes sont encore plus importantes, atteignant près de 10 000 hommes.
Cependant, cet épisode marque un tournant : pour la première fois, les soldats grecs réalisent que leur invincibilité est remise en question face aux éléphants de guerre. Le moral des troupes s’en trouve gravement affecté, et les soldats montrent des signes clairs de lassitude.
Une exploration aux confins de l’Orient
Après la bataille, Alexandre décide de laisser Pôros en place, fidèle à sa stratégie consistant à maintenir les dirigeants locaux sous sa tutelle.
Il entreprend ensuite une exploration des territoires conquis, s’aventurant jusqu’à leurs confins orientaux. Les récits décrivent des forêts luxuriantes, peuplées d’arbres inconnus, de paons majestueux et de serpents dont les écailles brillent comme de l’or, selon les chroniques de Quinte-Curce.
Certains témoignages évoquent même la possible rencontre des Grecs avec des rhinocéros, animaux inconnus en Europe.
Cette avancée atteint cependant ses limites. Sur les rives de l’Hydaspe, les soldats d’Alexandre refusent catégoriquement de continuer. Épuisés par les combats et effrayés par l’inconnu, ils opposent une résistance ferme.
Alexandre, frustré et outré, se retire pendant trois jours sous sa tente avant de se résoudre à accepter leur décision. En guise de symbole, il fait ériger une série d’autels marquant l’extrémité de son avancée, avant d’entreprendre le repli stratégique le long de l’Indus.
Conclusion : une campagne marquée par la gloire et les limites
Cette campagne dans le Pendjab représente un point culminant de l’expédition d’Alexandre le Grand, mais elle en révèle aussi les limites. Bien que victorieux, il découvre que ses troupes, confrontées à des adversaires redoutables et à des environnements hostiles, ne sont pas invincibles.
Ce recul marque la fin de son ambition de conquête vers l’est et souligne les défis humains et logistiques que de telles entreprises peuvent engendrer.