Avec les habitants d’un village du nord de l’Ukraine, Yahidne, enfermés pendant près d’un mois dans un sous-sol, en mars 2022, par les troupes russes. L’émouvante reconstruction d’une mémoire collective pour exorciser le traumatisme.
Entouré par la forêt, Yahidne, petit bourg du nord de l’Ukraine, se résume à quelques rues, deux magasins et plus d’animaux gambadant dans les vergers que d’humains travaillant aux champs. Cette tranquillité apparente abrite des souvenirs cauchemardesques : le 5 mars 2022, les troupes russes envahissent le village et entassent les quelque 400 habitants, dont 77 enfants, dans la cave de l’école, où ils resteront enfermés vingt-sept jours dans des conditions épouvantables, jusqu’au retrait précipité de l’occupant. L’une des captives, Olha, 51 ans, a tenu jour après jour un journal pour ne rien oublier de cette longue épreuve, et lutte aujourd’hui contre la tentation partagée d’enfouir le traumatisme dans le silence. Elle y raconte le manque d’eau et de nourriture, l’obscurité permanente, l’air de plus en plus vicié, jusqu’à la mort de certains des plus fragiles, dont les corps ne sont même pas emportés au-dehors.
Devant la caméra de Roman Blazhan, Olha lit des pages de son journal et ses concitoyens complètent son récit. Valérivna, alias « la sorcière », une petite dame costaude qui ne s’est pas démontée face aux Russes, révèle, sourire en coin, les sorts terrifiants qu’elle a prétendu jeter aux geôliers pour obtenir du pain. Un vieil homme à la moustache grisonnante dit préférer aller de l’avant pour retrouver « la joie » que lui ont volée cette expérience terrible et cette guerre qui n’en finit pas. En laissant remonter à la surface cette douleur à vif, les villageois s’attachent à construire une sorte de mémoire collective de l’événement, comme s’ils assemblaient les pièces d’un puzzle pour recomposer les images qui les hantent. Véritable laboratoire du souvenir, le film entrelace avec finesse les mots et les images, le passé et le présent, la vie qui reprend son cours et le traumatisme enfoui dans ce sous-sol obscur.
Un documentaire de Roman Blazhan (France/Ukraine, 2024, 77min)
Documentaire disponible jusqu’au 08/07/2025