Au miroir de ses films, du « Septième continent » à « Happy End », en passant par « La pianiste » et « Le ruban blanc » , un portrait entre chaud et froid du maître cinéaste autrichien Michael Haneke, diffusé à l’occasion de son 80e anniversaire.
Il fait partie du club fermé des réalisateurs à avoir remporté deux fois la Palme d’or à Cannes, avec Le ruban blanc en 2009 puis Amour trois ans plus tard, immense succès critique et public à travers le monde. Mais bien avant cette consécration, son regard d’une implacable lucidité et son art exigeant de la mise en scène avaient fait reconnaître Michael Haneke comme l’un des maîtres du cinéma de notre temps. Un « grand » indiscuté autant que redouté, voire fui, pour sa capacité effrayante à dévoiler des réalités que la plupart des humains s’emploient à refouler. « Quand on cherche le cœur des ténèbres avec un tel sérieux, s’amuse son compatriote, le critique et écrivain Alexander Horwath, on ne peut se faire aimer de tous », à propos de ses premières réalisations pour la télévision autrichienne, suivies des quatre films terribles qui l’ont révélé bien au-delà de son pays (Le septième continent, Benny’s Video, 71 fragments d’une chronologie du hasard, Funny Games). Partant de ce paradoxe entre chaud et froid, respect et crainte, Marie-Ève de Grave interroge l’œuvre avec finesse pour dresser, en creux, le portrait de son discret créateur à l’occasion de ses 80 ans – il est né le 23 mars 1942.
Humaniste lucide
Isabelle Huppert qui, depuis La pianiste (2001), appartient à sa proche famille de cinéma, le Suédois Ruben Östlund (Snow Therapy) et le critique français Philippe Rouyer joignent leurs voix ferventes à celle d’Alexander Horwath pour commenter un montage judicieux d’extraits de films et d’entretiens d’archives. Code Haneke (référence à Code inconnu, le premier des films qu’il a réalisés en France, en 2000) révèle ainsi, derrière le styliste, le visage méconnu non pas d’un misanthrope, mais d’un humaniste, résolu à regarder frontalement la violence, la peur de l’autre, le poids des normes et de l’argent, ou la déréalisation par l’image qui régissent la société occidentale. S’il pulvérise les faux-semblants et le sentimentalisme avec tant « d’honnêteté », souligne Isabelle Huppert, c’est pour mettre au jour cette emprise du social et des pulsions mortifères sur la vie la plus intime et, par là, inviter à s’en libérer. Comme il l’a démontré dans ses chefs-d’œuvre, Michael Haneke croit avec passion aux pouvoirs du cinéma, mais aussi en une possible humanité.
Documentaire de Marie-Eve de Grave disponible jusqu’au 19/04/2022.