En 1895, ne parvenant plus à assurer leur subsistance dans un environnement épuisé, les habitants de Chaudun, dans les Hautes-Alpes, vendaient leur village à l’État. Narré par Marina Hands, ce documentaire éclaire les enjeux politiques et sociaux d’un désastre écologique aux résonances très actuelles.

« Les montagnards alpins, sans cesse aux prises avec les difficultés les plus lourdes et les plus imprévues, disputent péniblement à un sol rebelle les chétives ressources qui suffiront à peine à nourrir leurs familles. » En octobre 1888, poussés par la misère et la déforestation, les habitants de Chaudun, village de 112 âmes perché dans les Hautes-Alpes, écrivaient au ministre de l’Agriculture pour proposer la cession de l’entièreté de leurs terres à l’État. Un peu moins de sept ans plus tard, ils abandonnaient définitivement les lieux pour laisser place à une armée de fonctionnaires de l’administration des Eaux et Forêts. Dans les décennies suivantes, tandis que les Chauduniers réinventaient leur vie dans la région, en Algérie ou aux États-Unis, les ingénieurs du service de restauration des terrains de montagne (RTM) menaient, en les documentant, de vastes opérations pour replanter la vallée.

Fable écologique

Les habitants de Chaudun étaient-ils vraiment responsables de la dégradation de leur environnement ? Ont-ils été victimes d’une « reprise en main » des territoires de montagne par les élites de l’époque, qui entendaient soumettre la nature, comme la société tout entière, au progrès ? S’inspirant de l’essai de Luc Bronner Chaudun, la montagne blessée (éditions du Seuil/Points, 2020), François Prodromidès fait revivre le quotidien du village et la marche triomphale des Eaux et Forêts. Entre émouvantes visions surgies du passé et images verdoyantes d’une forêt aujourd’hui partiellement inscrite au patrimoine de l’humanité, son film, narré par Marina Hands, restitue dans toute sa complexité l’histoire de ce désastre écologique avant l’heure. Une plongée dans un monde disparu qui fait écho à nos propres inquiétudes et interroge la place des hommes dans les entreprises de restauration de la nature.

Documentaire de François Prodromides (France, 2022, 54mn)
Disponible jusqu’au 11/11/2024