Article | À la découverte de Mercure

Mercure est l’énigmatique première planète du Système solaire. Souvent éclipsée par ses voisines plus grandes, cette petite sphère rocheuse fascine par ses caractéristiques extrêmes et son mystère. Visible à l’œil nu seulement pendant de brefs instants au crépuscule ou à l’aube, Mercure demeure difficile à observer en raison de sa proximité du Soleil.

Pourtant, elle recèle de nombreux secrets qui intriguent les astronomes depuis des siècles.

Bien que connue depuis l’Antiquité – les Romains la nommèrent Mercure en référence au messager des dieux, à cause de sa grande vitesse dans le ciel – cette planète reste aujourd’hui l’une des moins explorées du Système solaire.

Les Grecs de l’Antiquité croyaient même qu’il s’agissait de deux astres distincts selon qu’elle apparaissait le matin ou le soir.

En raison de la difficulté à l’observer et à y envoyer des sondes, Mercure est longtemps restée méconnue. Au fil des découvertes et des missions spatiales récentes, son portrait se précise peu à peu.

Partons à la découverte de ce monde brûlant, étonnant et riche d’enseignements !

Mercure, la plus petite planète du Système solaire

La planète Mercure se distingue d’abord par sa taille minuscule. C’est la plus petite planète du Système solaire (depuis que Pluton a été reclassée en planète naine) et également la moins massive.

Elle ne mesure qu’environ 4 880 km de diamètre, soit à peine plus grande que notre Lune.

Malgré sa taille, Mercure fait partie des quatre planètes telluriques (rocheuses) au même titre que Vénus, la Terre et Mars.

  • Diamètre : environ 4 880 km (environ 38 % de celui de la Terre).
  • Masse : 3,30×1023 kg (environ 5 % de la masse terrestre).
  • Distance moyenne au Soleil : ~57,9 millions de km (0,39 unité astronomique).
  • Durée d’une année (orbite) : 88 jours terrestres.
  • Températures à la surface : d’environ -173 °C la nuit à +427 °C le jour.
  • Gravité en surface : ~3,7 m/s2 (environ 38 % de la gravité terrestre, un humain de 70 kg n’y « pèserait » que 26 kg).
  • Satellites naturels : aucun.

Malgré son statut de benjamine du Système solaire, Mercure présente une densité très élevée, presque aussi importante que celle de la Terre. Cela indique qu’elle est riche en éléments lourds comme le fer. Elle ne possède aucune atmosphère significative ni la moindre lune en orbite autour d’elle.

Sa proximité avec le Soleil rend de toute façon très difficile la présence ou la rétention d’un satellite naturel.

Ce petit astre rocheux cumule donc les records de taille et de masse, tout en restant très particulier par sa composition et son environnement, comme nous allons le voir.

Des températures extrêmes et pas d’atmosphère

La proximité du Soleil et l’absence d’atmosphère font de Mercure une planète aux températures extrêmes.

En plein jour, la surface brûlée par le Soleil peut atteindre environ 430 °C, assez chaud pour faire fondre certains métaux. Mais la nuit, cette chaleur accumulée s’échappe dans l’espace et le mercure (sans jeu de mots) chute vers -180 °C.

Cela représente l’écart de température le plus extrême de tout le Système solaire entre midi et minuit sur un astre.

De telles conditions rendent la planète absolument inhospitalière à la vie telle que nous la connaissons.

Pourquoi Mercure, pourtant si proche du Soleil, n’est-elle pas la plus chaude de toutes ? La réponse tient à l’absence d’une atmosphère capable de retenir la chaleur. Mercure est dépourvue d’air : il n’y a pratiquement aucun gaz pour envelopper la planète.

Ainsi, dès que le Soleil se couche, le sol refroidit très rapidement en rayonnant sa chaleur vers le vide spatial.

À titre de comparaison, Vénus, pourtant deux fois plus éloignée du Soleil, présente une surface encore plus chaude grâce à son épaisse atmosphère riche en gaz à effet de serre.

Sur Mercure, l’absence d’atmosphère signifie aussi qu’il n’y a ni météo ni ciel bleu : même en plein jour, le ciel y demeure noir, étoilé dès que l’on s’éloigne de l’aveuglante lumière solaire. Un astronaute sur place pourrait ainsi observer les étoiles en plein midi – un spectacle impossible sur Terre, rendu ici possible par le vide qui règne autour de la planète.

Des journées plus longues que ses années

Mercure présente des cycles jour-nuit tout à fait déroutants. La planète met environ 88 jours terrestres pour faire le tour du Soleil, mais tourne très lentement sur elle-même (une rotation complète en 59 jours).

En conséquence, une journée solaire mercurienne (d’un lever de Soleil au suivant) dure 176 jours terrestres, soit deux ans de Mercure.

Autrement dit, sur Mercure, une journée s’étire sur près de six mois terrestres !

Imaginons un explorateur posé sur Mercure au lever du Soleil : il lui faudrait patienter plus de la moitié d’une année terrestre pour voir le Soleil se lever à nouveau au même endroit.

Mercure est non seulement lente sur elle-même, mais aussi très rapide autour du Soleil. Elle décrit une orbite très elliptique (ovoïde) et file dans l’espace à environ 170 000 km/h, ce qui en fait la planète la plus rapide du Système solaire.

Au plus près du Soleil, sa vitesse orbitale accrue entraîne un phénomène céleste inhabituel : la course de Mercure peut temporairement surpasser sa rotation.

Depuis certaines régions de la planète, on verrait alors le Soleil se lever à l’horizon, puis redescendre et se recoucher avant de se relever à nouveau quelques jours plus tard.

Ce spectacle unique s’explique par la synchronisation particulière entre la rotation et la révolution de Mercure. Par ailleurs, son axe de rotation est quasiment vertical (inclinaison presque nulle), si bien que Mercure ne connaît pratiquement pas de saisons distinctes au cours de son année rapide.

Un paysage lunaire criblé de cratères

À première vue, Mercure rappelle beaucoup notre Lune. Sa surface grise est criblée de cratères d’impact de toutes tailles, traces laissées par les innombrables collisions météoritiques survenues il y a des milliards d’années. Sans atmosphère ni activité géologique récente pour effacer ces marques, le sol est resté pratiquement inchangé depuis l’aube du Système solaire.

Malgré la fournaise en plein jour, des dépôts de glace d’eau pourraient subsister au fond de certains cratères près des pôles, là où les rayons du Soleil n’atteignent jamais et où la température demeure perpétuellement glaciale.

La plus grande cicatrice d’impact à la surface est le bassin Caloris, un cratère gigantesque d’environ 1 550 km de diamètre. Cet impact cataclysmique a non seulement creusé une immense dépression, mais a également provoqué des formations chaotiques de l’autre côté de la planète sous le choc.

Par ailleurs, on observe de longues falaises courbes, ou escarpements, s’étendant sur des centaines de kilomètres à la surface. Elles se sont formées lorsque l’intérieur de Mercure s’est refroidi et contracté avec le temps, plissant la croûte.

Selon les estimations, le rayon de Mercure aurait diminué de plusieurs kilomètres depuis sa formation, engendrant ces rides géologiques uniques.

Enfin, certaines régions relativement lisses suggèrent qu’autrefois, des épanchements volcaniques ont recouvert la surface de coulées de lave, aujourd’hui figées en vastes plaines.

Un noyau de fer géant et un champ magnétique inattendu

La composition interne de Mercure est tout à fait singulière. La planète abrite en son centre un énorme noyau de fer qui occupe la majeure partie du globe. La croûte et le manteau ne forment qu’une fine couche rocheuse autour de ce cœur métallique.

On peut imaginer Mercure comme une gigantesque boule de métal enrobée d’une très mince écorce de roche.

Cette structure explique la densité élevée de la planète. Les scientifiques pensent qu’un événement cataclysmique a pu arracher une partie de l’ancienne enveloppe rocheuse de Mercure (par exemple une collision titanesque durant la formation du Système solaire), ou que le jeune Soleil a vaporisé les couches superficielles, ne laissant qu’un noyau surdimensionné par rapport à la taille totale.

Fait surprenant pour un si petit astre, Mercure possède un champ magnétique global, semblable dans son principe à celui de la Terre. Il est cependant très faible – environ 100 fois moins intense que le champ terrestre – mais suffit à créer une petite magnétosphère autour de la planète.

Mercure est d’ailleurs, avec la Terre, la seule planète rocheuse à détenir un champ magnétique interne actif.

La présence de ce magnétisme indique que le noyau de fer n’est pas entièrement solide : il doit subsister une partie liquide en mouvement, générant un effet de dynamo. Ce résultat a été une surprise pour les planétologues, car on pensait qu’une petite planète comme Mercure serait depuis longtemps figée et inactive.

Observer Mercure depuis la Terre

Vue de notre planète, Mercure est un astre discret difficile à déceler à l’œil nu. Son éclat n’est pas en cause, mais sa position : parce qu’elle orbite tout près du Soleil, Mercure ne s’éloigne jamais beaucoup de celui-ci dans le ciel.

Sa plus grande élongation (séparation angulaire par rapport au Soleil) n’est que d’environ 28°, ce qui la maintient toujours dans les lueurs de l’aube ou du crépuscule.

En pratique, on ne peut l’apercevoir qu’au cours de quelques périodes dans l’année, lorsqu’elle se trouve à l’orientation favorable : soit juste après le coucher du Soleil (Mercure brille alors faiblement près de l’horizon ouest), soit juste avant son lever (elle se dévoile comme une étoile matinale à l’est).

Un instrument d’optique permet de distinguer que Mercure passe par des phases (comme la Lune), de croissant à pleine et vice-versa au fil de son orbite. Il arrive également, environ 13 fois par siècle, que Mercure passe directement devant le disque solaire : on observe alors un minuscule point noir traversant le Soleil, lors d’un transit de Mercure.

Malgré les difficultés pour la voir, Mercure a été identifiée depuis l’Antiquité et intègre les mythologies de nombreuses cultures. Les Grecs et les Romains y voyaient le dieu messager aux pieds ailés en raison de sa rapidité.

En français, le nom du mercredi provient de Mercure (Mercurii dies, le jour de Mercure), signe de l’héritage laissé par l’astronomie antique.

Plus près de nous, la petite planète a même joué un rôle dans l’histoire de la science moderne : au XIXe siècle, son orbite présentait une légère anomalie que la physique classique n’expliquait pas. En 1915, Albert Einstein a réussi à rendre compte de ce mystère en prédisant correctement l’avance du périhélie de Mercure grâce à sa théorie de la relativité générale, confirmant ainsi brillamment cette nouvelle théorie.

Les missions d’exploration vers Mercure

Mercure étant difficile d’accès, elle est restée très longtemps sans visite spatiale directe. Il faut en effet beaucoup d’énergie pour atteindre une orbite aussi proche du Soleil et résister à la chaleur.

La gravité solaire attire fortement les sondes, nécessitant des trajectoires complexes pour freiner et se mettre en orbite autour de Mercure.

Jusqu’aux années 1970, nos connaissances provenaient uniquement des observations depuis la Terre.

  • Mariner 10 (NASA, 1974-1975) : premier engin à avoir survolé Mercure (trois passages rapprochés) et à fournir des images détaillées de sa surface (environ 45 % de la planète cartographiés).
  • MESSENGER (NASA, 2008-2015) : première sonde en orbite autour de Mercure (de 2011 à 2015) ayant cartographié 100 % du globe, analysé sa composition chimique et découvert notamment la présence de glace d’eau dans les cratères polaires.
  • BepiColombo (ESA/JAXA, lancée en 2018) : mission en cours devant insérer deux orbiteurs autour de Mercure en 2025, l’un pour étudier en détail la surface et l’intérieur de la planète, l’autre consacré à l’analyse de sa magnétosphère.

Chacune de ces missions a fortement amélioré notre compréhension de Mercure. Mariner 10 a révélé un monde cratérisé rappelant la Lune, MESSENGER a dévoilé son champ magnétique et ses glaces insoupçonnées, et BepiColombo promet d’enrichir encore notre connaissance.

Il a fallu plus de 30 ans après Mariner 10 pour qu’une nouvelle sonde retourne vers Mercure, ce qui souligne le défi que représente l’exploration de cette planète.

Conclusion

En parcourant Mercure, nous avons découvert une petite planète aux caractéristiques hors du commun. Extrêmement chaude le jour et glaciale la nuit, sans atmosphère pour adoucir les contrastes, dotée d’un noyau surdimensionné et d’un champ magnétique inattendu, Mercure accumule les superlatifs.

Elle nous rappelle que même les plus petits mondes peuvent renfermer de grands mystères.

Son exploration future permettra peut-être de percer les dernières énigmes de sa formation et de son évolution, et d’appréhender plus largement la diversité des planètes telluriques. Au-delà des extrêmes qu’elle endure, Mercure se dévoile peu à peu comme un chaînon essentiel pour comprendre l’histoire de notre Système solaire.