Ses films ont donné d’ultimes lettres de noblesse au cinéma d’animation, accordant la magie de l’enfance avec le chaos du monde. Portrait d’un humble génie, inventeur de mondes merveilleux en quête d’une harmonie perdue.
Univers fabuleux, enfants comiques et débrouillards, forêts peuplées d’esprits, parcours initiatiques à l’inquiétante étrangeté… Depuis plus de quarante ans, les films de Hayao Miyazaki nous enchantent. Profondément japonais dans leur inspiration, ils ont cependant réussi à séduire le public occidental grâce à leur puissance visuelle et émotive, au service d’interrogations universelles. Né en pleine Seconde Guerre mondiale, leur créateur est un enfant des tourments du XXe siècle, et son œuvre s’en fait l’écho à de multiples égards. De Nausicaa à Princesse Mononoké, du Voyage de Chihiro au Château ambulant, elle met en scène une humanité obsédée par la conquête et la destruction, encline à un consumérisme qui déclenche la colère de la Nature. Une vision sombre qu’illuminent la fantaisie et l’humour, rassemblant enfants et adultes devant une même question : celle de notre devenir d’êtres humains.
C’est un Miyazaki au travail que donne à voir ce documentaire riche en archives et analyses, partant du point charnière qu’a représenté la réalisation de Princesse Mononoké (1997), son premier film ouvertement pessimiste, pour remonter aux sources et raconter la formation de son regard unique. Un parcours laborieux, initié dans les équipes du studio d’animation Tôei, où sa ténacité fut grandement mise à l’épreuve avant qu’il trouve le moyen, à 40 ans passés, de mettre en œuvre ses idées personnelles. Travail, tâtonnements, rêverie : tels sont les maîtres mots de la « méthode » Miyazaki, qui s’apparente davantage à un processus instinctif, où la logique n’intervient pas. Attablé à son petit bureau dans le mythique Studio Ghibli, le réalisateur du Château dans le ciel dessine inlassablement, inventant ses histoires au fur et à mesure, n’en découvrant leur sens général qu’à force de superpositions. Collaborateurs, proches et commentateurs décrivent un homme animé au sens premier du terme, c’est-à-dire traversé par un souffle : une forme de spiritualité issue de la culture ancestrale japonaise, qui invite à considérer l’espèce humaine comme une simple partie de la nature, dans un monde fait d’interconnexions. L’art de Miyazaki consiste à nous faire voir ces liens, dans un émerveillement empreint de la conscience que le chaos n’est jamais loin.
Documentaire de Léo Favier (France, 2022, 1h22mn)
Documentaire disponible jusqu’au 20/03/2025