Vers le milieu du 14e siècle, environ en l’an 1350, une nouvelle école bouddhiste voit le jour au Tibet : les Gelugpa, connus sous le nom des « bonnets jaunes ». Cette école s’oppose fermement à l’ordre des Sakyapa ou « bonnets rouges », qui avait été fondé plusieurs siècles auparavant, aux alentours de l’an 1000.
Ces deux ordres bouddhistes, bien que distincts dans leurs pratiques et leur symbolisme, possèdent des caractéristiques communes. Ils sont fortement hiérarchisés et regroupent en leur sein non seulement des lamas, mais aussi des Trulkü, des sages considérés comme soumis au cycle de la réincarnation.
Les deux ordres ne se limitent pas à des activités strictement religieuses. Ils s’inscrivent également dans une organisation sociale et économique propre à l’époque. Les monastères fonctionnent comme des ordres féodaux, disposant de vastes possessions terriennes.
Par ailleurs, le principe de réincarnation des Trulkü finit par établir une sorte de caste aristocratique au sein de la hiérarchie religieuse, où l’hérédité déguisée joue un rôle central.
L’émergence de Seunam Gyamtso et son ambition spirituelle
Dans ce contexte, au milieu du 16e siècle, Seunam Gyamtso, le troisième successeur de Tsong-Khapa (le fondateur des Gelugpa), émerge comme une figure majeure. Membre de la « caste » des Gelugpa, ce Trulkü nourrit des ambitions spirituelles et politiques considérables.
Gyamtso cherche à asseoir son autorité sur l’ensemble du Tibet, notamment en subordonnant les bonnets rouges à son autorité.
Pour réaliser cet objectif, il se tourne vers les Mongols Tumeds, une puissante tribu dirigée par Althan Khan, descendant éloigné de Kubilaï Khan. À cette époque, bien que les Mongols ne soient plus capables de restaurer leur empire déchu, ils conservent une influence notable grâce à leurs raids et alliances stratégiques.
Une collaboration avec le Tibet semble alors mutuellement bénéfique.
Une alliance déterminante avec les Mongols
La rencontre décisive entre Seunam Gyamtso et Althan Khan se déroule sur les rives du lac Koukou Nor, situé au sud du Tibet. Althan Khan, récemment converti au bouddhisme, reconnaît officiellement en Gyamtso la réincarnation du fondateur des Gelugpa, élevant ainsi ce dernier au rang de saint homme.
Pour marquer cette reconnaissance, Gyamtso est désigné comme un « khan », un terme d’origine turque signifiant « océan ». En langue mongole, cependant, le mot utilisé est Dalaï, ce qui explique pourquoi Gyamtso reçoit le titre de Dalaï-Lama, littéralement « lama-océan ».
Un titre et une légitimité mythique
Pour renforcer la portée spirituelle et historique de cette reconnaissance, Gyamtso est immédiatement désigné comme le troisième dalaï-lama, bien que le titre n’ait pas encore existé auparavant.
Les deux premiers dalaï-lamas, bien qu’historiquement inexistants, sont intégrés de manière symbolique dans la lignée pour conférer au titre une légitimité et une profondeur mythique.
La continuité de l’institution du dalaï-lama
Depuis cette institutionnalisation au 16e siècle, le titre de Dalaï-Lama est transmis de génération en génération, selon le principe de la réincarnation. Aujourd’hui, l’actuel détenteur du titre, Tenzin Gyatso, est le 14e dalaï-lama.
Il incarne à la fois un héritage spirituel millénaire et une figure mondiale de paix et de défense des droits humains.