Au milieu du XIXe siècle, le Portugal s’engage résolument dans la conquête de l’Afrique noire avec une ambition clairement définie : réaliser le fameux « mapa-cor-de-Rosa », un projet visant à établir une jonction territoriale continue entre l’océan Atlantique et l’océan Indien. Cette stratégie, empreinte de rêves de grandeur, s’inscrit dans la volonté de rivaliser avec d’autres puissances coloniales européennes, notamment l’empire britannique.
Toutefois, la consolidation de l’influence britannique dans la région freine les aspirations portugaises. Malgré ces obstacles, le Portugal parvient à édifier un empire africain considérable, comprenant les îles du Cap-Vert, Sao Tomé, ainsi que deux vastes territoires continentaux : l’Angola et le Mozambique, qualifiés de véritables « joyaux » de l’empire.
Ces possessions, qui s’étendent sur environ 2 millions de km², assurent au Portugal une place significative parmi les puissances coloniales mondiales au milieu du XXe siècle, le plaçant en quatrième position. L’Angola, à lui seul, représente un territoire quatorze fois plus vaste que la métropole portugaise. Cependant, derrière cette apparente grandeur se cache une réalité sombre : l’exploitation brutale et souvent inefficace des terres et des populations locales.
Pendant de longues décennies, l’Angola sert notamment de réservoir d’esclaves, destinés aux colonies anglaises, tandis que de nombreux habitants sont déportés pour être vendus comme main-d’œuvre.
Une idéologie coloniale dépassée : le luso-tropicalisme
Au fil du temps, l’attachement du Portugal à ses colonies devient de plus en plus anachronique.
Alors que les empires coloniaux français et britanniques amorcent leur déclin après la Seconde Guerre mondiale, le Portugal s’accroche à une idéologie obsolète : le « luso-tropicalisme », un concept élaboré sous l’influence de Salazar vers 1945. Cette doctrine tente de justifier la domination portugaise en Afrique en prétendant qu’elle serait plus « humaniste » et mieux adaptée aux réalités locales. En réalité, ce système repose sur une illusion : celle de l’assimilation.
Dans les faits, la population indigène reste largement marginalisée. Pour être reconnu comme « assimilado » – un statut privilégié supposé offrir une égalité avec les colons blancs – il faut remplir des critères presque inatteignables : être métis et maîtriser parfaitement la langue portugaise. Ce statut, inaccessible à l’immense majorité des Africains, ne profite qu’à environ 1 % de la population.
La montée des mouvements de libération
C’est dans ce contexte d’inégalités flagrantes et d’exploitation que se développent, à partir des années 1950, divers mouvements d’opposition.
Des figures charismatiques comme Amílcar Cabral en Guinée-Bissau et en Angola ou encore Eduardo Mondlane au Mozambique deviennent les porte-voix des revendications indépendantistes. Ces leaders mobilisent les populations locales autour de l’idée de liberté et de souveraineté.
Un tournant est marqué le 4 février 1961, lorsque le Mouvement populaire de libération de l’Angola (MPLA) lance une attaque contre une prison à Luanda. Cet événement agit comme un déclencheur, donnant lieu à une série de soulèvements qui s’étendent rapidement à la Guinée-Bissau la même année, puis au Mozambique en 1964. Ces révoltes rencontrent une répression féroce.
Pour contenir ces insurrections, le Portugal instaure un service militaire colonial d’une durée de 24 mois et utilise des méthodes brutales, allant jusqu’à employer du napalm et à pratiquer la destruction systématique de villages en Angola. La guerre devient un fardeau colossal : près de 50 % du budget national est consacré à l’effort militaire, plongeant le pays dans une crise profonde.
La révolution des œillets et l’indépendance des colonies
Cette situation insoutenable conduit à un bouleversement politique majeur au Portugal. Le 25 avril 1974, la Révolution des œillets met fin au régime autoritaire. Marcelo Caetano, successeur de Salazar, est renversé, ouvrant la voie à une transition démocratique. Ce changement de pouvoir marque également le début de la décolonisation.
Dès 1974, les îles coloniales du Cap-Vert et de Sao Tomé obtiennent leur indépendance. Les territoires continentaux suivent peu après : le Mozambique accède à l’indépendance en juillet 1975, tandis que l’Angola fait de même en novembre de la même année.
Ces événements font de ces nations les derniers pays africains à devenir indépendants, clôturant ainsi le chapitre des empires coloniaux européens en Afrique.
Conclusion
Cette période, bien qu’intense et tragique, marque une étape fondamentale dans l’histoire de l’Afrique et du Portugal. Elle symbolise la fin d’une époque de domination et l’émergence de nouvelles nations souveraines prêtes à tracer leur propre destinée.
L’émancipation des colonies portugaises reste aujourd’hui une leçon sur les limites du colonialisme et la puissance des aspirations à la liberté