En 1941, rompant le pacte germano-soviétique, Hitler lance avec l’opération « Barbarossa » l’invasion de l’Union soviétique. Au travers de films amateurs, de lettres et de journaux intimes, le récit poignant, par ceux qui l’ont subie, d’une effroyable boucherie aux six millions de morts.

Juin 1941. Galvanisés par leurs victoires en Norvège, aux Pays-Bas, en Belgique et en France, les Allemands se préparent à une opération secrète, l’invasion de l’Union soviétique. Nom de code : « Barbarossa ». Rompant le pacte germano-soviétique signé en 1939, Hitler, pressé d’étendre à l’est l’espace vital germanique – le Lebensraum –, envisage cette guerre comme un « combat d’extermination » des communistes. Après un déluge de bombes de la Luftwaffe, quatre millions de soldats se déploient sur trois axes : au sud vers l’Ukraine, au centre vers Moscou et au nord vers Leningrad. L’offensive surprend l’Armée rouge dont nombre d’officiers supérieurs ont été décimés par les grandes purges de 1937-1938. Dans les pays baltes annexés par les Soviétiques deux ans plus tôt et dans l’ouest de l’Ukraine, les populations, opprimées par le stalinisme, accueillent d’abord les Allemands dans la liesse. Alors que l’infanterie russe subit de terribles pertes, la Wehrmacht ne cesse de progresser, entraînant dans son sillage des centaines de milliers de prisonniers. À l’arrière, les opposants au Reich sont persécutés, les pogroms contre les juifs, encouragés et les représailles collectives sur les civils, autorisées, l’amnistie des crimes de guerre étant même octroyée aux troupes allemandes. Pourtant, bien que l’URSS accumule les défaites, elle résiste. Le 3 juillet à la radio, Staline, qui poursuit, avec le NKVD, son implacable politique de terreur, enjoint ses « frères et sœurs » à un sursaut patriotique, bientôt relayé par une intense propagande. Mais en septembre, la jonction des armées allemandes du centre et du sud aux portes de Kiev constitue un désastre pour l’Armée rouge. Tombée sans combat, la ville s’embrase sous les explosions de mines à retardement. Accusant la population juive d’en être responsable, les Einsatzgruppen, aidés par des collaborateurs locaux, exécutent en deux jours 33 371 juifs dans le ravin de Babi Yar. Ce massacre marque un tournant dans la radicalisation de la politique d’extermination et le génocide en cours.

« Nous vivons dans l’horreur que suscite en nous cet océan de sang que font couler tous les jours, toutes les heures et toutes les minutes des abrutis en manteau vert-de-gris portant des ceintures sur lesquelles est inscrit “Dieu est avec nous”, écrit la jeune bibliothécaire Irina Khorochounova. Au travers d’archives, de films amateurs, de lettres et de journaux intimes – entre autres ceux de Hans Roth, un soldat allemand, et de Gueorgui Efron, le fils de la poétesse russe Marina Tsvetaïeva –, ce documentaire poignant, dont les séquences d’animation graphique amplifient la force narrative des témoignages, nous plonge au cœur de l’enfer. À l’envers des glaçants discours martiaux de Hitler et de Staline, les acteurs et victimes de l’opération « Barbarossa », femmes et hommes emportés dans la barbarie, racontent la violence inouïe, les vies broyées et le dégoût. Des deux côtés, des soldats, certains à peine sortis de l’adolescence, et des civils, frères dans l’impuissance, consignent leur éprouvante expérience et dénoncent la folie meurtrière dans l’espoir que cette boucherie, la plus grande invasion militaire de l’histoire, ne soit pas oubliée par les générations futures. Au-delà de la sidération, l’humanité et la lucidité qui infusent leur plume éclairent alors les ténèbres de vacillantes lueurs.

Librement inspiré du livre de Jean Lopez et Lasha Otkhmezuri, « Barbarossa 1941. La guerre absolue », Passés Composés / Humensis, 2019

Documentaire de Thomas Sipp (France, 2024, 55mn)
Documentaire disponible jusqu’au 25/05/2025