Article | 27 septembre 1996 – Les talibans prennent Kaboul

En février 1989, les troupes soviétiques quittent officiellement l’Afghanistan, mettant ainsi fin à une occupation qui a débuté une décennie plus tôt. Ce retrait est le résultat des accords de Genève d’avril 1988, négociés par l’Union soviétique en collaboration avec les États-Unis et le Pakistan.

Cette sortie marquera un tournant dans l’histoire du pays, mais elle laisse un pays profondément ravagé par des années de guerre. Les Soviétiques y ont subi de lourdes pertes : environ 14 000 soldats russes ont trouvé la mort lors de cette campagne militaire. Parallèlement, cette guerre a donné naissance à une résistance féroce menée par plus de 150 000 combattants moujahidines, divisés en plusieurs factions et ethnies.

Ces différentes factions étaient principalement composées des Pachtounes Ghilzaï ou Dourani, dirigés par Gulbudin Hekmatyar, des Chiites Hazaras, des Ouzbeks sous les ordres de Rashid Dostom, et des Tadjiks menés par le charismatique Ahmed Shah Massoud. Ce dernier, en collaboration avec Dostom, forme ce que l’on appelle l’Alliance du Nord, une coalition qui s’avérera être la force la plus efficace pour résister à l’occupation soviétique.

C’est d’ailleurs cette même Alliance du Nord qui, en avril 1992, parvient à prendre le contrôle de Kaboul.

L’après-retrait soviétique et le chaos dans Kaboul

Lorsque l’Alliance du Nord entre à Kaboul, elle ne trouve aucun consensus pour établir un gouvernement uni. L’ancien président pro-soviétique Najibullah, réfugié dans les locaux de l’ONU, est capturé et exécuté sommairement.

La situation dégénère rapidement : chaque faction s’approprie des secteurs de la capitale, délimitant les quartiers par des bornes et s’engageant dans une guerre civile sanglante. Cette lutte pour le contrôle de la ville, marquée par des combats acharnés, a coûté la vie à près de 50 000 civils et vidé la capitale de sa population.

En dépit de cette violence, Burhanuddin Rabbani, le leader de l’Alliance du Nord, est proclamé président par un conseil des sages, mais son autorité reste très limitée et contestée.

La montée en puissance des Talibans

Pendant ce temps, au sud de l’Afghanistan et à l’ouest du Pakistan, les Pachtounes ressentent un fort sentiment de marginalisation.

Beaucoup d’entre eux, réfugiés dans les camps surpeuplés du Balouchistan, vivent dans la pauvreté et l’instabilité. Les jeunes hommes, souvent sans emploi, se tournent vers l’enseignement coranique dispensé dans un réseau de madrassas contrôlées par le Jamiat-e Ulema-e Islam (JUI), une organisation influente au Pakistan.

Financé par des fonds saoudiens, cet enseignement s’inspire du wahhabisme et de l’école Deoband, une institution fondamentaliste fondée en 1867 à Delhi, dans le contexte de la chute de la dynastie moghole.

Les étudiants de ces madrassas, bientôt connus sous le nom de Talibans, se rassemblent sous la bannière du Mollah Omar dès août 1994. Le mouvement bénéficie du soutien logistique et financier des services secrets pakistanais (ISI).

Rapidement, ces jeunes combattants formés et motivés se structurent en milices. Leur mission est claire : reprendre Kaboul et imposer leur vision de l’islam. En 1995, ils comptent déjà près de 25 000 soldats et avancent rapidement, bien armés grâce à un soutien extérieur, notamment celui du Pakistan et, indirectement, des États-Unis.

La prise de Kaboul par les Talibans et les débuts d’un régime radical

En septembre 1996, les Talibans entrent victorieux dans Kaboul, évinçant les autres chefs de guerre, dont Abdul Sayyaf et Gulbudin Hekmatyar, ce dernier s’exilant en Iran. À ce moment, le Mollah Omar, leader charismatique du mouvement, fonde officiellement le régime taliban à Kandahar, symbolisant la prise de contrôle totale de l’Afghanistan par ce groupe radical.

Une fois au pouvoir, les Talibans instaurent un régime d’une rigueur extrême, qui bouleverse profondément la société afghane. Toutes les formes de divertissement et de liberté culturelle sont immédiatement bannies : la musique, la photographie et même l’utilisation des ordinateurs sont interdites. Les cinémas sont fermés et les hommes doivent obligatoirement porter la barbe longue.

Cependant, ce sont surtout les droits des femmes qui subissent les restrictions les plus sévères. Celles-ci sont contraintes de porter le tchadri ou la bourka, et leur accès à l’éducation ainsi qu’aux soins de santé est totalement proscrit. En outre, la plupart des cliniques et dispensaires ferment par manque de personnel féminin.

Un régime de terreur et des pratiques radicales

La brutalité du régime taliban ne s’arrête pas là : des pratiques extrêmes telles que la lapidation des femmes accusées d’adultère et la mutilation des voleurs sont autorisées et régulièrement mises en œuvre dans le but d’instaurer un ordre moral strict. Ce régime de terreur s’impose rapidement comme l’un des plus radicaux de la région, plongeant l’Afghanistan dans une ère d’obscurantisme qui marquera profondément l’histoire du pays.

En résumé, la prise de Kaboul par les Talibans en 1996 n’est pas seulement un changement de pouvoir, mais le début d’une transformation radicale qui affectera chaque aspect de la vie afghane pendant de nombreuses années. Le mouvement, né dans les camps de réfugiés et les madrassas, a su exploiter le chaos laissé par le retrait soviétique pour s’imposer comme une force incontournable, redessinant le destin de l’Afghanistan sous le joug d’un islamisme ultra-conservateur.