En 1972, une avancée technologique majeure prend forme grâce aux besoins de l’Institut National de Recherche Agronomique (INRA), qui recherche une solution pour faciliter le calcul de l’évaporation des sols selon une méthode complexe, appelée la méthode du « bilan d’énergie ». À cette époque, les scientifiques maîtrisent déjà la conception de calculateurs géants, même si ces machines sont encore massives et encombrantes. Les premiers modèles de calculateurs électroniques remontent à plus de trente ans, à la fin des années 1930.
Entre 1937 et 1944, les progrès technologiques sont fortement stimulés par les nécessités de la guerre, notamment pour répondre aux besoins en calculs balistiques. C’est dans ce contexte que Howard Aiken, en partenariat avec IBM (International Business Machines), développe le Mark I. Ce monstre de l’informatique mesure 17 mètres de long et est constitué de 3 300 engrenages ainsi que 1 400 commutateurs. C’est une réalisation impressionnante pour l’époque, mais sa taille reste un obstacle majeur à une utilisation plus large.
L’évolution vers des machines plus puissantes
Toujours pendant la guerre, les Américains, en quête de machines toujours plus performantes, créent en 1943 l’ENIAC, un autre calculateur géant, mais cette fois entièrement composé de composants électroniques. Malgré cette avancée, l’ENIAC reste une machine imposante : avec ses 18 000 lampes, il occupe une surface de 23 mètres carrés, mais il est capable de remplacer le travail de 200 opérateurs humains. Toutefois, son fonctionnement n’était pas sans faille. En effet, une anecdote célèbre raconte qu’un jour, un insecte s’est brûlé sur une des 70 000 résistances de l’ENIAC, provoquant un arrêt de la machine. C’est cet incident qui est à l’origine du terme « bug », désormais utilisé pour désigner les pannes informatiques.
Au fil du temps, ces machines deviennent de plus en plus performantes. Une innovation clé dans cette progression est l’invention du microprocesseur. En 1971, Intel lance sa première série de microprocesseurs sous le nom d’Intel 4004, marquant le début d’une ère de miniaturisation et de puissance de calcul accrue.
Le projet Micral et l’avènement du micro-ordinateur
Dans les années 70, l’idée de réduire la taille des ordinateurs devient enfin réalisable. En réponse aux besoins spécifiques de l’INRA, un accord de développement est signé avec une équipe d’ingénieurs, dont François Gernelle et André Truong, réunis sous la bannière de la société R2E. Ce partenariat aboutira à la conception d’une machine révolutionnaire, le Micral, souvent considéré comme le premier véritable micro-ordinateur.
Le Micral est une machine sans écran, se présentant sous la forme d’un boîtier recouvert de diodes. Elle est équipée d’un microprocesseur Intel 8008 et fonctionne à une fréquence de 0,5 MHz, une performance relativement modeste par rapport aux standards actuels, mais révolutionnaire à l’époque. Cette innovation ouvre la voie à une nouvelle génération d’ordinateurs plus petits et plus accessibles.
La concurrence américaine : l’Altair 8800
Deux ans après l’introduction du Micral, à la fin de 1974, les Américains dévoilent leur propre version d’un micro-ordinateur : l’Altair 8800, conçu par Ed Roberts. Ce modèle est plus puissant que le Micral et arbore un microprocesseur de type 8800. De plus, il est équipé d’une mémoire vive de 1 Ko, ce qui représente une amélioration significative pour l’époque. Cependant, la programmation de l’Altair 8800 reste encore un défi, puisqu’elle s’effectue à l’aide d’interrupteurs et la machine n’est toujours pas équipée d’un écran.
L’Alto de Xerox : un bond vers la modernité
En parallèle de ces développements, une autre avancée majeure voit le jour en 1974 avec l’apparition de l’Alto, une machine développée par Xerox dans son célèbre centre de recherche situé à Palo Alto. Contrairement au Micral et à l’Altair, l’Alto est équipé d’une interface graphique révolutionnaire, composée d’icônes et permettant l’utilisation d’une souris, un périphérique alors totalement novateur. Cette machine préfigure les ordinateurs personnels modernes et marque un tournant dans l’histoire de l’informatique.
Le refus de l’Office des brevets français
Malgré ces avancées, l’histoire du micro-ordinateur connaît un épisode inattendu en France. François Gernelle, l’un des concepteurs du Micral, propose le terme de « micro-ordinateur » pour désigner cette nouvelle génération de machines. Cependant, l’Office des brevets français refuse de reconnaître cette dénomination. Ironiquement, ce terme finira par s’imposer dans le langage courant grâce à l’usage, devenant aujourd’hui le mot le plus couramment utilisé pour désigner ces machines.
L’invention du micro-ordinateur marque ainsi une étape essentielle dans l’évolution de l’informatique, ouvrant la voie à une ère de miniaturisation et de démocratisation des technologies de l’information.