Article | 11 mai 330 : fondation de Constantinople

Pour bien saisir les motivations qui ont poussé l’empereur Constantin à établir une nouvelle capitale à son nom, il est indispensable de prendre en compte le contexte historique complexe de cette période. À cette époque, Constantin aspirait à la construction d’un pouvoir centralisé et unitaire. Cependant, cette volonté d’unification devait s’accomplir dans un cadre où le commandement impérial avait été morcelé.

Depuis quelques années déjà, la fonction de gouvernance impériale avait été partagée entre quatre personnages principaux, dans ce qui est communément appelé la tétrarchie. Ce système avait été mis en place en 293 par l’empereur Dioclétien, qui avait réparti le pouvoir entre lui-même et trois autres chefs dotés du titre de César. Chacun de ces chefs régnait sur une « capitale tétrarchique », à savoir Milan, Nicomédie, Sirmium et Trèves. Cette organisation avait pour objectif d’assurer une gestion efficace de l’empire, surtout à un moment où celui-ci avait atteint une expansion territoriale maximale.

Cependant, une telle division du pouvoir, bien que pratique en théorie, génère des tensions et des rivalités. La coexistence de plusieurs césars sous l’autorité d’un seul empereur, connu sous le titre d’Auguste, aboutissait parfois à des ambitions et des convoitises chez ces sous-dirigeants. Ces tensions éclatèrent particulièrement après l’abdication de Dioclétien et de Maximin en 305, provoquant une série de luttes pour le pouvoir.

L’ascension de Constantin dans un contexte troublé

Parmi les figures émergentes de cette époque, un homme en particulier va se distinguer : Constantin, fils de Constance Chlore, l’un des tétrarques chargés de la gestion des provinces occidentales, en particulier la Bretagne. Alors que les luttes pour le pouvoir se multiplient, Constantin commence à éliminer un par un ses rivaux.

Deux événements décisifs marquent son ascension vers le sommet de l’Empire. D’abord, la célèbre bataille du Pont Milvius en 312, où il vainc Maxence. Ensuite, en 324, il remporte une victoire encore plus déterminante à Crysopolis contre Licinius, successeur du tétrarque Galère. Cette dernière bataille a lieu en Chalcédoine, juste en face de ce qui est aujourd’hui connu sous le nom d’Istanbul, de l’autre côté du détroit de l’Hellespont. Cette victoire conduit Constantin à visiter la région, et c’est à ce moment qu’il commence à envisager la création de sa nouvelle capitale.

Constantin et le choix du site de Constantinople

En cherchant un emplacement idéal pour sa future capitale, Constantin s’installe d’abord dans la ville de Sirmium en Serbie. Cependant, cet emplacement ne le satisfait pas. Il cherche un endroit stratégiquement situé, capable de faciliter les campagnes militaires et d’assurer un bon contrôle des routes commerciales.

C’est alors qu’il tourne son regard vers une ville située juste en face du champ de bataille de Crysopolis. Cette ville, fondée en 667 avant Jésus-Christ, possède des caractéristiques qui répondent parfaitement aux ambitions de Constantin. Son emplacement, commandant l’accès à la mer de Marmara, offre une position clé pour surveiller les mouvements des Perses sassanides, voisins et rivaux de l’Empire romain.

Le choix de ce site ne se limite pas à des considérations stratégiques. La création d’une nouvelle capitale est également un acte hautement symbolique. En érigeant Constantinople, Constantin cherche à marquer la restauration et l’affirmation de l’unité de l’Empire, fragilisé par des années de divisions internes et de conflits.

La construction de Constantinople et l’inauguration officielle

Les travaux de construction de la nouvelle capitale débutent dès 324. En accord avec la tradition romaine, la future enceinte de la ville est tracée symboliquement avec un trait de charrue, une coutume ancestrale pour la fondation des nouvelles cités. Les terrassiers se mettent immédiatement à l’œuvre pour bâtir cette ville qui deviendra l’une des plus importantes de l’histoire.

Fait intéressant, la vieille cité grecque préexistante est préservée et intégrée au nouveau centre-ville. Cela montre la volonté de Constantin de respecter l’héritage du passé tout en érigeant un symbole de la puissance impériale nouvelle.

Les travaux s’achèvent officiellement le 11 mai 330, bien que, comme toute grande métropole, la construction et l’embellissement de Constantinople continueront pendant des décennies. Le jour de l’inauguration est marqué par une cérémonie empreinte de paganisme, avec un sacrifice dédié à la déesse de la Fortune, symbole de prospérité.

Les monuments emblématiques de la nouvelle capitale

La ville de Constantinople comprend plusieurs monuments emblématiques dès sa fondation. Parmi eux, on trouve un palais impérial majestueux, un imposant hippodrome destiné aux courses de chars, ainsi que l’Église des Saints-Apôtres, un lieu de culte important pour la ville.

Quant à l’église Sainte-Sophie, qui deviendra un symbole iconique de Constantinople et de l’empire byzantin, elle ne sera inaugurée qu’en 360 sous le règne de Constance II, le fils de Constantin. Ce monument incarnera pendant des siècles la grandeur de la nouvelle capitale.

Conclusion

La fondation de Constantinople représente bien plus qu’un simple déplacement géographique du pouvoir impérial. Elle symbolise la volonté de Constantin de renforcer l’unité de l’Empire, de créer un centre de pouvoir stratégique et prestigieux, et de marquer son époque de manière durable. Constantinople deviendra l’une des villes les plus influentes de l’histoire mondiale, un carrefour entre l’Orient et l’Occident, et le cœur de l’Empire byzantin pendant plus d’un millénaire.