Article | 1948 – Lancement de la 2 CV Citroën

C’est à l’âge de vingt-deux ans qu’André Citroën, alors jeune ingénieur, fait une découverte qui marquera l’histoire de l’automobile. Lors d’une visite dans une usine en Pologne, il tombe sur d’imposants engrenages en forme de chevrons. Ces engrenages, par leur structure unique, deviennent pour lui une source d’inspiration. Il décide de les adopter comme symbole de sa future entreprise. Ces chevrons, devenus emblématiques, seront le sigle de Citroën et figureront sur tous les véhicules de la marque.

Cependant, malgré ce début prometteur, l’entreprise Citroën traverse des périodes difficiles. Environ trente ans après sa fondation, la société rencontre de sérieux problèmes financiers. Les frères Michelin, reconnus pour leur expertise dans l’industrie du pneumatique, décident de prendre une participation dans la société. Très vite, avec le soutien des banques créancières, ils obtiennent la gestion complète de Citroën, évinçant ainsi André Citroën de sa propre entreprise. Dépossédé de sa création, Citroën meurt le 3 juillet 1935, sans avoir la chance de voir naître ce qui deviendra l’un des fleurons les plus célèbres de la marque après sa disparition.

Le remaniement de la direction et l’arrivée du trio visionnaire

L’année précédant la mort d’André Citroën, en 1934, la direction de l’entreprise subit un remaniement majeur. Le bureau d’études, chargé de concevoir les nouveaux véhicules, est confié à Pierre-Jules Boulanger. Ce dernier, visionnaire et pragmatique, décide de collaborer avec l’ingénieur renommé André Lefebvre. Lefebvre, ayant fait ses preuves chez Voisin, est alors secondé par un talentueux dessinateur italien, Flaminio Bertoni. C’est ce trio dynamique, composé de Boulanger, Lefebvre, et Bertoni, qui se met à l’œuvre pour concevoir un véhicule révolutionnaire : la célèbre « deuche », ou 2CV.

La naissance d’une légende : la 2CV et ses premiers pas

Pierre-Jules Boulanger définit un cahier des charges ambitieux pour la future 2CV. Le véhicule doit être capable de transporter quatre à cinq personnes, ainsi que cinquante kilogrammes de bagages, à une vitesse de 50 km/h. Mais ce n’est pas tout : la voiture doit pouvoir circuler en toutes conditions, sur n’importe quel type de terrain, même traverser un champ avec un panier d’œufs sans en casser un seul. Ce défi technique est lancé dès 1934, mais il faudra attendre 1937 pour voir les premiers prototypes de la 2CV opérationnels. Le nom de code de ce premier véhicule d’essai est TPV, signifiant « très petite voiture ».

Au total, pas moins de 49 prototypes sont conçus, testés et affinés, la plupart étant essayés dans une vaste propriété de l’Eure, soigneusement close de murs pour éviter que la presse ne découvre prématurément ce projet révolutionnaire.

La 2CV face aux aléas de l’Histoire : du prototype à la production

Le 2 septembre 1938, un premier modèle définitif de la 2CV est prêt à être dévoilé au public lors du Salon de l’Auto. Cette première version, équipée d’un seul phare, est sur le point de faire sensation. Cependant, le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale vient bouleverser les plans. Le Salon de l’Auto est annulé, et les prototypes de la 2CV sont dispersés pour éviter qu’ils ne tombent entre de mauvaises mains. Certains sont même cachés en Auvergne par les frères Michelin, prévoyants et soucieux de préserver leur création.

Ce n’est qu’en 1948, après la fin de la guerre, que la 2CV voit enfin son lancement officiel. La production débute en juin 1949, mais de manière très limitée : seulement quatre voitures sortent de l’usine chaque jour. Le pays étant en pleine reconstruction, les acheteurs doivent faire preuve de patience : le délai d’attente pour recevoir une 2CV peut atteindre jusqu’à sept ans, bien que ce délai soit progressivement réduit à trois ans avec l’accélération de la production.

Une carrière industrielle exceptionnelle : les multiples vies de la 2CV

La carrière de la 2CV dans l’industrie automobile est exceptionnelle. Produite pendant quarante-deux ans, elle s’écoule à près de quatre millions d’exemplaires. Au fil des ans, de nombreuses variantes voient le jour, répondant aux besoins divers et variés des utilisateurs. En 1951, la version fourgonnette est lancée, suivie en 1956 par le modèle « Sahara », un 4×4 équipé de deux moteurs, une innovation audacieuse. D’autres évolutions suivront, comme la « 2CV spécial » dotée d’un moteur passant des 375 cm³ initiaux à 602 cm³, offrant ainsi plus de puissance et de robustesse.

Cependant, malgré son succès durable, la 2CV commence à connaître des difficultés à partir de 1964. Les ventes subissent une première baisse significative en raison de la concurrence accrue, notamment celle de Renault avec sa 4L, qui s’impose sur le même segment de marché. La 2CV continue malgré tout de résister aux tendances du marché.

La fin d’une époque : la dernière sort de l’usine

Le dernier modèle de la 2CV fabriqué en France sort d’usine en 1986. Ce modèle, baptisé « cocorico », est une édition limitée à 1000 exemplaires, lancée à l’occasion de la Coupe du Monde de football. C’est la fin d’une époque pour la production française de la 2CV.

Cependant, la toute dernière 2CV produite au niveau mondial ne verra le jour qu’en 1990. Ce dernier modèle, assemblé au Portugal dans l’usine de Mangualde, sort des chaînes de montage le 27 juillet 1990 à 16 heures précises. Avec cette dernière voiture, se tourne une page majeure de l’histoire industrielle, marquée par la longévité et l’impact de la 2CV sur plusieurs générations d’automobilistes.