Article | -388 : les gaulois envahissent Rome –  Les oies du Capitole

Aux alentours de 388 ou 390 avant Jésus-Christ, un événement marquant se déroule en Italie, impliquant le chef gaulois Brennus. Ce dernier, à la tête de son peuple guerrier, entreprend une expédition audacieuse et ambitieuse qui le conduit jusqu’aux portes de Rome, alors une cité-état en pleine période républicaine.

Rome, bien que déjà prestigieuse, n’avait pas encore atteint l’apogée de sa puissance impériale. L’audace de Brennus et de son armée est telle qu’ils parviennent à imposer leur volonté à cette ville emblématique.

Cette audace est récompensée par une rançon conséquente obtenue de la ville romaine, une somme qui témoigne de l’importance de Rome même à cette époque. Cette rançon est non seulement un signe de victoire militaire, mais aussi une marque de l’humiliation infligée à une puissance montante.

Une expédition militaire impressionnante mais risible

Cet épisode, bien que militaire et impressionnant, ne manque pas de traits lamentables et cocasses. Brennus, à la tête d’une armée imposante d’environ 300 000 hommes, défait l’armée romaine sur les rives de la rivière Alia.

La suite de cette expédition est marquée par une série d’erreurs consternantes et de scènes édifiantes des deux côtés. D’une part, les Gaulois, malgré leur victoire initiale, montrent des signes d’une organisation chaotique et d’une discipline laxiste.

D’autre part, les Romains, souvent perçus comme des modèles de discipline et de stratégie, se retrouvent dans des situations embarrassantes et parfois ridicules. Ce contraste entre l’impressionnante force militaire de Brennus et les nombreux faux pas de son armée donne à cet épisode un caractère presque tragique-comique.

L’entrée des gaulois dans Rome

À leur arrivée à Rome, les Gaulois constatent que la ville est laissée sans défense et y pénètrent sans rencontrer de résistance.

Selon la tradition, ils commencent par s’en prendre aux vieillards avant de se tourner vers l’ensemble de la population. Cette absence de défense organisée peut sembler surprenante, mais elle reflète l’état de choc et la désorganisation qui règnent parmi les Romains.

Les Gaulois, habitués aux combats et aux razzias, profitent de cette situation pour semer la terreur. Les récits de ces attaques mettent en lumière la brutalité de l’invasion et l’horreur vécue par les habitants de Rome.

Les vieillards, symboles de sagesse et de respect dans la société romaine, sont les premières victimes de cette violence, ce qui ajoute une dimension tragique à cet événement.

Le refuge sur la colline du Capitole

Cependant, une partie de la population romaine trouve refuge sur la colline du Capitole, un lieu emblématique dominé par le temple de Jupiter Capitolin, consacré en 509 avant JC pour commémorer la première année de la République romaine.

Ce lieu n’est pas seulement un sanctuaire religieux mais aussi un symbole de la résilience et de la foi des Romains. Au sommet de cette colline se trouve également une esplanade consacrée à Junon, où vivent des oies sacrées.

Ces oies, bien que simples animaux, jouent un rôle crucial dans les événements qui suivent. La colline du Capitole devient ainsi le dernier bastion de la résistance romaine, un endroit où se concentrent l’espoir et la détermination des assiégés.

Les récits de ce refuge soulignent l’importance de la foi et de la tradition dans la résistance face à l’adversité.

L’attaque trahie par les oies sacrées

Lors de leur assaut sur la colline fortifiée, les Gaulois sont trahis par ces oies sacrées, qui réveillent les occupants avec leurs cris. Le garde Manlius, selon la tradition, donne alors l’alerte.

S’ensuit un siège de sept mois, au cours duquel les Gaulois occupent la ville basse. Les oies, par leur vigilance, deviennent des héroïnes inattendues de cet épisode. Leur rôle dans la défense de la colline est célébré dans les récits ultérieurs, faisant d’elles des symboles de vigilance et de protection divine.

Le siège de sept mois est une période de grande tension et de privation pour les Romains, qui doivent puiser dans leurs dernières ressources pour survivre. Cette période est marquée par des actes de bravoure, des sacrifices et une détermination farouche à ne pas céder complètement à l’envahisseur.

La capitulation romaine et la rançon

Affamés, les Romains finissent par capituler et envoient le tribun Sulpicius pour négocier. La rançon est fixée à 1000 livres d’or.

C’est pendant le calcul de cette rançon que la légende prend le dessus. Brennus, jetant son épée sur la balance servant à peser le tribut, s’exclame avec cynisme : « Vae Victis », malheur aux vaincus.

Cette scène est emblématique de l’arrogance du vainqueur et de l’humiliation du vaincu. Le geste de Brennus, en ajoutant le poids de son épée à la rançon, symbolise non seulement la victoire militaire mais aussi la domination totale des Gaulois sur les Romains.

Les mots « Vae Victis » résonnent comme un rappel brutal de la dure réalité de la guerre et de la conquête. Cette rançon, bien que financièrement lourde, est surtout une blessure à l’orgueil romain, une marque indélébile de leur défaite.

La légende des oies et la révision des faits

L’épisode des oies est devenu légendaire, mais il n’a pas été apprécié par les Romains de l’époque, qui ont cherché à réviser les faits.

Selon cette version revisitée, une voie céleste mystérieuse, l’Aius Loquens, aurait prévenu les assiégés. Il était également peu flatteur de reconnaître que Rome, même à cette époque, ait pu être conquise par des barbares.

Ainsi, la tradition antique assimile parfois Brennus au dieu Bran, extérieur au panthéon romain. Cette révision des faits montre comment les récits historiques peuvent être manipulés pour protéger l’honneur et la fierté nationale.

La légende des oies, malgré son origine humble, est réinterprétée pour devenir un symbole de la divine providence et de la résistance héroïque. Cette révision reflète le besoin des Romains de trouver une explication plus noble à leur défaite et de renforcer leur identité collective face aux épreuves.

Conclusion

Cet épisode historique, bien que teinté de légende, illustre les complexités et les paradoxes de la période républicaine romaine. Il met en lumière à la fois la bravoure et les faiblesses des deux camps, tout en soulignant la manière dont les récits historiques peuvent être révisés pour servir des fins politiques ou idéologiques.

Les événements autour de l’invasion de Brennus et de la rançon de Rome montrent comment l’histoire est souvent une combinaison de faits réels et de mythes, chacun influençant la perception et la mémoire collective.

En fin de compte, cette histoire est un témoignage de la résilience humaine, de la capacité à surmonter l’adversité et à tirer des leçons des épreuves, tout en cherchant à préserver l’honneur et la dignité face à l’humiliation.