Article | Quelle hygiène au Moyen-âge ?

L’hygiène au Moyen Âge est souvent mal comprise, victime de nombreux stéréotypes qui la présentent comme une époque de grande saleté et d’insalubrité. Cette vision simpliste ne tient pas compte de la diversité des pratiques et des contextes sociaux, culturels et géographiques qui ont influencé l’hygiène durant cette période.

En réalité, l’hygiène médiévale variait considérablement selon les régions, les climats, les classes sociales et les influences culturelles. Par exemple, les pratiques d’hygiène en Europe occidentale pouvaient être très différentes de celles en Europe orientale ou en Afrique du Nord. De plus, la religion jouait un rôle crucial, avec le christianisme et l’islam encourageant diverses pratiques de propreté.

Pour comprendre véritablement l’hygiène au Moyen Âge, il est essentiel de considérer ces divers facteurs et de se débarrasser des idées reçues simplistes.

Les pratiques de bain

Contrairement à l’idée reçue, les bains étaient courants au Moyen Âge, surtout dans les villes où ils étaient souvent un lieu de vie sociale autant que d’hygiène.

Les bains publics, hérités de la tradition romaine, restaient populaires en Europe jusqu’au XIVe siècle. Ces établissements, appelés étuves, proposaient des bains chauds et étaient fréquentés par des personnes de toutes classes sociales, allant des nobles aux paysans. Les étuves étaient souvent des lieux de sociabilité où l’on se rencontrait, discutait et même célébrait des événements.

Cependant, avec la propagation de la peste noire et d’autres épidémies, les bains publics ont été progressivement abandonnés par peur de la contamination. Les médecins de l’époque croyaient que l’eau chaude ouvrait les pores de la peau, rendant le corps plus vulnérable aux maladies.

Ainsi, la pratique du bain a décliné à partir du XIVe siècle, mais elle ne disparut pas totalement. Les bains à domicile, bien que moins fréquents et réservés à ceux qui pouvaient se le permettre, restaient une pratique d’hygiène essentielle. Les personnes riches avaient souvent des salles de bain privées avec des baignoires en bois ou en métal, et utilisaient des herbes aromatiques pour parfumer l’eau.

L’hygiène corporelle

En plus des bains, l’hygiène corporelle quotidienne comprenait diverses pratiques de nettoyage telles que le lavage du visage, des mains et des pieds.

Ces gestes étaient importants pour prévenir les infections et les maladies dans un contexte où les soins médicaux étaient limités. Les gens utilisaient de l’eau, parfois du savon fabriqué à partir de graisse animale et de cendres végétales, pour se nettoyer. Les savons parfumés, bien que coûteux, étaient également utilisés par ceux qui pouvaient se les permettre.

Les dents étaient nettoyées avec des morceaux de tissu, des brindilles ou des os de seiche pour enlever les débris alimentaires et prévenir les caries.

Les parfums et des herbes aromatiques, tels que la lavande et le romarin, étaient utilisés pour masquer les odeurs corporelles, car les déodorants n’existaient pas encore.

Les cheveux étaient également entretenus régulièrement pour éviter les poux et autres parasites. Ils étaient peignés avec des peignes fins, souvent en bois ou en os. Les femmes portaient souvent des coiffes pour protéger leurs cheveux de la saleté, tandis que les hommes se coupaient régulièrement les cheveux pour des raisons pratiques et hygiéniques.

Ces pratiques démontrent une certaine préoccupation pour l’apparence personnelle et la santé, bien que les standards d’hygiène aient été très différents de ceux d’aujourd’hui.

Les installations sanitaires

Les installations sanitaires au Moyen Âge étaient rudimentaires par rapport aux normes modernes, mais elles répondaient aux besoins de l’époque.

Dans les villes, les maisons avaient souvent des latrines ou des fosses d’aisance, qui étaient vidées régulièrement par des vidangeurs professionnels. Ces fosses d’aisance étaient souvent situées dans des cours arrière ou des zones éloignées des zones de vie principale pour minimiser les odeurs et les risques de contamination. Les déchets étaient transportés hors des villes pour être utilisés comme engrais dans les champs ou simplement éliminés dans des zones désignées.

Les zones rurales, quant à elles, avaient des installations encore plus simples, souvent des latrines extérieures construites au-dessus de fosses creusées dans le sol. Les rivières et les cours d’eau étaient fréquemment utilisées pour se débarrasser des déchets, ce qui posait des problèmes de pollution et de santé publique.

Cependant, certaines villes médiévales, comme Londres, ont introduit des règlements pour contrôler l’élimination des déchets et protéger les sources d’eau potable. Par exemple, des lois interdisaient de jeter des déchets dans les rues ou les cours d’eau, et des systèmes de drainage rudimentaires étaient mis en place pour évacuer les eaux usées.

La gestion des maladies

La médecine médiévale était imprégnée de croyances religieuses et de superstitions, ce qui influençait fortement les pratiques d’hygiène et de santé.

Les maladies étaient souvent attribuées à des déséquilibres des humeurs corporelles, à des influences astrologiques ou à des punitions divines pour des péchés commis. Les médecins médiévaux, appelés physiciens, utilisaient des méthodes telles que la saignée, l’application de ventouses et l’utilisation de potions à base de plantes pour traiter diverses maladies.

Pour prévenir les maladies, les gens suivaient diverses pratiques d’hygiène, telles que l’aération des maisons, l’utilisation de plantes aromatiques pour purifier l’air et l’observance de régimes alimentaires spécifiques.

La peste noire, qui a ravagé l’Europe au XIVe siècle, a profondément affecté les pratiques d’hygiène. Face à l’impuissance des médecins de l’époque, des mesures telles que la quarantaine des malades et l’incinération des vêtements contaminés ont été mises en place. Les villes ont également introduit des mesures de désinfection, telles que la fumigation des maisons et des rues avec des herbes et des résines aromatiques.

Ces pratiques, bien que rudimentaires, ont jeté les bases de certaines mesures sanitaires modernes et ont montré une prise de conscience croissante de l’importance de l’hygiène pour la prévention des maladies.

L’hygiène alimentaire

L’hygiène alimentaire au Moyen Âge était également cruciale pour prévenir les maladies et garantir la sécurité des aliments consommés.

Les aliments étaient souvent conservés grâce à des méthodes telles que le salage, le fumage et le séchage, qui permettaient de les garder plus longtemps sans réfrigération. Les marchés et les foires étaient régulés par des autorités locales pour garantir la fraîcheur des produits vendus, et des inspecteurs pouvaient confisquer les aliments avariés.

Cependant, l’absence de réfrigération moderne signifiait que les intoxications alimentaires étaient fréquentes, et les maladies transmises par les aliments, telles que la dysenterie, étaient courantes.

Les règles religieuses influençaient également l’hygiène alimentaire. Par exemple, les jours de jeûne imposés par l’Église encourageaient la modération et la consommation d’aliments spécifiques, ce qui pouvait avoir des effets bénéfiques sur la santé.

Les interdictions alimentaires pendant certaines périodes de l’année, comme l’interdiction de consommer de la viande pendant le Carême, poussaient les gens à varier leur alimentation et à explorer d’autres sources de nourriture, telles que le poisson et les légumes.

De plus, les pratiques de préparation des aliments, telles que la cuisson complète de la viande et l’ébullition de l’eau, contribuaient également à réduire les risques de maladies.

Conclusion

L’hygiène au Moyen Âge était une combinaison complexe de pratiques héritées de l’Antiquité, d’adaptations aux réalités médiévales et de croyances religieuses et culturelles. Bien que les standards d’hygiène aient été très différents de ceux d’aujourd’hui, les gens du Moyen Âge n’étaient pas totalement ignorants des concepts de propreté et de santé.

Les épidémies et les conditions de vie difficiles ont certes posé des défis importants, mais ils ont également conduit à des innovations et à des adaptations en matière d’hygiène et de santé publique. Les mesures de quarantaine, les règlements sur l’élimination des déchets et les pratiques de purification de l’air sont quelques exemples des réponses médiévales aux défis sanitaires.

En réexaminant l’hygiène médiévale avec un regard nuancé, on peut mieux comprendre les continuités et les changements dans les pratiques d’hygiène au fil du temps et reconnaître l’ingéniosité et la résilience des sociétés médiévales face aux défis de la santé publique.