D’ordinaire, il fuit les entretiens et le laconisme de ses réponses fait désormais partie de sa légende. En septembre 2010, Philip Roth a pourtant reçu William Karel et la journaliste Livia Manera pour une interview au long cours dans son appartement de l’Upper West Side à New York et dans sa propriété, au coeur de la forêt du Connecticut. Quelque douze heures d’une conversation à bâtons rompus où l’auteur de Pastorale américaine, inlassable entomologiste de son pays, se raconte avec fluidité, analysant le processus de sa propre création littéraire.L’occasion de constater, comme il le rappelle avec force, que ses avatars de papier (de Portnoy, qui lui a valu la célébrité, à Kepesh, le séducteur compulsif en passant par les différents âges de Nathan Zuckerman) ne sont point ses alter egos. Même si, à l’écouter évoquer sa famille, l’identité juive, le sexe, l’amour, la psychanalyse, la célébrité, la politique et, bien sûr, son obsession de la mort, les points communs ne manquent pas d’apparaître. Et s’il se qualifie finalement face à la caméra de « pauvre vieux type qui va bientôt mourir et dont tout le monde se fout », la conclusion ressemble davantage à de la coquetterie que du désespoir. Car Philip Roth, à 77 ans, est très vivant !