Dans l’imaginaire occidental, le yoga a été importé d’Inde par des hippies qui refusaient le moule petit-bourgeois : métro, boulot, dodo. Aujourd’hui, Amazon met à disposition de ses employés en entrepôt des cabines baptisées « Amazen » : on peut y méditer, s’étirer et réaligner ses chakras avant de repartir empaqueter les commandes. Chez Google, un programme de méditation est proposé aux employés, il s’intitule “Search inside yourself”. Quoi de mieux qu’une séance en savasana pour se recentrer avant un conf call ? Ou une posture du “guerrier II” pour libérer son potentiel ? Malgré ses côtés gentiment baba cool, le yoga s’est tranquillement intégré au monde de l’entreprise et aux techniques de management.
Delphine Saltel interroge Marie Kock et Zineb Fahsi, deux Yogis qui ont chacune enquêté sur la discipline qu’elles pratiquent et enseignent. Comment d’ancestrales sagesses indiennes ont pu être digérées par l’économie de marché ? En nous incitant à travailler d’abord sur nous-mêmes, le yoga ne risque-t-il pas de devenir une courroie de transmission de l’idéologie libérale ordinaire ? Compter sur la respiration ventrale pour surmonter nos difficultés, n’est-ce pas une manière de les dépolitiser ?