Le 5 mai 1945 marque une étape cruciale dans l’histoire de la Seconde Guerre mondiale : la libération du camp de concentration de Mauthausen, situé en Autriche. Ce jour-là, les derniers prisonniers encore retenus dans ce camp ont enfin retrouvé leur liberté grâce à l’intervention du 41ème régiment de cavalerie, appartenant à la 11ème division blindée américaine.
Cette unité, elle-même sous le commandement de la troisième armée du général Patton, a libéré ces âmes emprisonnées dans l’un des camps les plus terribles du régime nazi.
Un camp fondé dès 1938, peu après l’Anschluss
Le camp de Mauthausen a vu le jour en 1938, peu de temps après que l’Allemagne nazie a annexé l’Autriche lors de l’Anschluss.
Situé à une vingtaine de kilomètres au sud de Linz, près des rives du Danube, ce camp se distinguait par son objectif initial : il n’était pas destiné spécifiquement à l’extermination des juifs, comme ce fut le cas pour d’autres camps tristement célèbres.
Au départ, Mauthausen servait principalement de lieu de détention pour des catégories variées de prisonniers. Il accueillait des droits communs, des opposants politiques et divers groupes qualifiés d’« asociaux » par les nazis, notamment les Témoins de Jéhovah.
Ces détenus furent rapidement rejoints par des prisonniers de guerre britanniques et américains, capturés au fil des conflits.
Une classification concentrationnaire des plus dures
En 1941, le camp de Mauthausen a été classé en catégorie III, ce qui correspond à la catégorie concentrationnaire la plus sévère selon les critères nazis.
Bien que cette classification soit techniquement inférieure aux camps d’extermination comme Auschwitz, la réalité de Mauthausen ne différait guère en termes de cruauté et de mortalité. Ce camp combinait les caractéristiques d’un camp de concentration classique avec celles d’un centre d’extermination.
Les détenus étaient soumis à un travail forcé inhumain dans la carrière de granit de Wiener Graben, un lieu qui symbolise encore aujourd’hui la souffrance extrême des prisonniers. Parmi les nombreux aspects sinistres de cette carrière, le tristement célèbre escalier de 186 marches reste un symbole funeste : les prisonniers, épuisés et affamés, devaient y transporter de lourdes pierres, au péril de leur vie.
À partir de 1944, Mauthausen comportait également une chambre à gaz pouvant « accueillir » jusqu’à 120 personnes à la fois. Si le camp n’avait pas initialement été conçu pour l’extermination des juifs, ces derniers y furent progressivement déportés et éliminés dans des conditions atroces.
Une fin de guerre marquée par l’horreur
À l’approche de la fin de la guerre, Mauthausen devint le lieu de regroupement des prisonniers évacués d’autres camps, notamment ceux d’Auschwitz, Sachsenhausen et Gross-Rosen.
Ces évacuations s’inscrivaient dans les terribles « marches de la mort », où des milliers de détenus furent forcés de marcher sur de longues distances, souvent sans nourriture ni eau, et sous des conditions climatiques extrêmes. Le nombre de prisonniers à Mauthausen augmenta alors de manière exponentielle, dépassant largement sa capacité théorique de 40 000 détenus.
Lorsque les forces américaines arrivèrent, elles découvrirent un spectacle de désolation inimaginable : près de 15 000 corps jonchaient le sol, abandonnés. Dans les jours suivants, environ 3 000 prisonniers supplémentaires succombèrent, incapables de survivre à leurs blessures ou à l’épuisement.
En tout, près de 200 000 personnes furent déportées à Mauthausen au cours de son existence, et environ 119 000 d’entre elles y perdirent la vie, dont un tiers étaient des juifs.
Une libération inattendue mais salvatrice
Il est important de noter que Mauthausen ne figurait pas initialement sur la liste des objectifs militaires de la troisième armée américaine, dont les efforts en Autriche étaient principalement dirigés vers des cibles stratégiques.
Le hasard joua un rôle déterminant dans sa libération : le sergent Albert Kosiek et ses hommes tombèrent par hasard sur deux capitaines SS et un agent de la Croix-Rouge. Ces derniers furent interrogés par un soldat américain d’origine juive et germanophone, Rosenthal, qui permit de comprendre la situation.
Le régiment décida alors de se diriger vers Mauthausen, bien que le camp ait été théoriquement évacué deux semaines auparavant.
Des comptes à rendre : les procès de Dachau
Après la guerre, les responsables de Mauthausen durent répondre de leurs crimes. Environ 10 000 gardes SS avaient été affectés au camp à différents moments de son fonctionnement. Parmi eux, 58 furent condamnés à mort lors du procès de Dachau, organisé le 7 mars 1946.
Ce procès ciblait particulièrement les cadres subalternes de l’appareil concentrationnaire nazi. Il représentait un pas vers la justice pour les innombrables victimes de Mauthausen, bien que les souffrances endurées ne puissent jamais être réellement réparées.
Un devoir de mémoire impératif
Aujourd’hui, Mauthausen reste un symbole de la barbarie humaine, mais aussi de la résilience des survivants. Les récits des libérateurs et des survivants du camp nous rappellent l’importance de maintenir vivante la mémoire de ces événements.
Il ne s’agit pas seulement de rendre hommage aux victimes, mais aussi de transmettre les leçons de l’Histoire pour prévenir de futures atrocités.