Le 2 mars 1973, les accords de Paris sont signés avec l’espoir de ramener la paix au Viêt-Nam. Ces accords prévoient un cessez-le-feu et la création d’un « Conseil national de concorde et de réconciliation », censé réunir les différentes factions pour une transition pacifique. Pourtant, dans la réalité, ce traité n’a que très peu d’impact sur le terrain. La situation reste extrêmement tendue, et personne, pas même le président sud-vietnamien Nguyen Van Thieu, ne croit réellement à cette solution diplomatique.
Dès la signature des accords, en janvier 1973, la situation militaire continue de se détériorer. Les forces communistes du sud, regroupées au sein du Gouvernement révolutionnaire provisoire (GRP), ne perdent pas de temps et lancent immédiatement des offensives contre le régime de Saïgon. Dans le nord, les troupes vietnamiennes progressent de façon méthodique, avançant par étapes le long de la route nationale n°1, l’artère stratégique qui relie Hanoï à Saïgon. Pendant ce temps, Thieu, bien que conscient de l’imminence de la défaite, s’accroche désespérément au pouvoir.
L’agonie du régime de Saïgon
Thieu reste au pouvoir jusqu’au 21 avril 1975, date à laquelle il est finalement contraint de démissionner. Il est remplacé par Van Huong, une figure transitoire qui ne tiendra guère longtemps. Peu après, le général Duong Van Minh, surnommé « le gros Minh », prend les rênes d’un régime en pleine chute. À ce moment-là, la situation est désespérée : les forces nord-vietnamiennes sont aux portes de Saïgon, et l’armée sud-vietnamienne ne peut plus rien faire pour les arrêter.
Les Américains, quant à eux, ont pratiquement évacué tout leur personnel militaire, ne laissant que 15 000 soldats sur place, officiellement en tant que simples « conseillers militaires ». La présence américaine, autrefois massive, s’est drastiquement réduite, marquant la fin d’une ère d’intervention active dans le conflit vietnamien. Ce retrait progressif symbolise l’abandon d’un allié en pleine détresse, laissant les Sud-Vietnamiens à leur sort.
L’évacuation dramatique des Américains
Le 30 avril 1975, à cinq heures du matin, un hélicoptère Chinook décolle de Saïgon avec à son bord l’ambassadeur américain Graham Martin, marquant ainsi le départ des dernières autorités américaines. Quelques heures plus tard, à 8 heures précises, un autre hélicoptère effectue le dernier vol d’évacuation, emportant les onze derniers marines qui étaient restés pour défendre l’ambassade américaine. Ces hommes quittent un bâtiment assiégé, encerclé par une foule de civils désespérés, cherchant eux aussi une issue pour fuir la ville.
L’évacuation se fait dans un climat de panique totale. Pour protéger l’ambassade des civils tentant de rejoindre le toit et de monter dans les hélicoptères, des nuages de gaz lacrymogènes sont dispersés autour du complexe. Cette scène chaotique restera gravée dans les mémoires comme l’un des moments les plus poignants de la guerre du Viêt-Nam.
Le dernier message émis par l’ambassade américaine à 4h30 heure locale résume parfaitement la gravité de la situation : « En raison de la nécessité de détruire les communications, ceci constitue le dernier message de l’Ambassade de Saïgon. » Les Américains quittent alors définitivement le pays, laissant derrière eux un régime en ruine.
Les dernières heures de Saïgon sous le chaos
Pendant que l’évacuation des derniers Américains se poursuit, des scènes de désordre total se déroulent dans les rues de Saïgon. D’un côté, la ville est plongée dans une terreur collective, avec des civils cherchant désespérément à fuir. D’un autre côté, des moments presque surréalistes se produisent, comme des petits marchands profitant du chaos pour piller les bâtiments abandonnés par les Américains. Dans les sous-sols de ces infrastructures, ils trouvent des bouteilles de vin français, qu’ils revendent aussitôt dans la rue à des passants, illustrant l’anarchie totale qui règne.
Mais tout n’est pas comique ou absurde. Une partie de la ville est dévorée par les flammes, la violence et la destruction marquent les dernières heures du régime sud-vietnamien. Le spectacle de Saïgon en feu est un témoignage poignant de la fin d’une époque et de la chute d’un régime autrefois soutenu par la plus grande puissance mondiale.
La chute du palais présidentiel et la fin du conflit
Vers 10 heures du matin, le 30 avril 1975, l’événement marquant de la fin du régime survient. Un char T-54, portant le numéro 843, force l’entrée du palais présidentiel de Saïgon, où le général Duong Van Minh s’était réfugié. Ce dernier, conscient de l’inutilité de toute résistance, décide de se rendre sans opposer de lutte. Le colonel communiste Bui Tin accepte la reddition, marquant officiellement la fin de la République du Sud-Viêt-Nam.
Après cet événement historique, il ne faudra que quelques mois pour que le Nord, victorieux, impose son autorité sur l’ensemble du pays. Le 2 juillet 1975, la République socialiste du Viêt-Nam est proclamée, unifiant ainsi le Nord et le Sud sous un régime communiste. Ce moment historique marque la fin d’une guerre sanglante qui a coûté la vie à des millions de personnes et bouleversé la région pendant des décennies.
Un symbole de fierté nationale : le char T-54
Le char T-54 numéro 843, qui a enfoncé les portes du palais présidentiel, devient un symbole de fierté nationale pour le Viêt-Nam unifié. Ce char est aujourd’hui exposé au musée militaire de Hanoï, témoignant de la détermination et de la victoire des forces communistes vietnamiennes. La chute de Saïgon reste un épisode profondément marquant dans l’histoire du pays, mais aussi dans celle de la guerre froide, symbolisant la défaite des forces occidentales dans la région et la montée du communisme en Asie du Sud-Est.