22 juin 1938 – le match du siècle : Maximilien Schmelling vs Joe Louis

Au soir du 22 juin 1938, 90.000 spectateurs sont massés dans le légendaire Yankee Stadium pour assister au match-revanche entre l’allemand Max Schmelling et Joe Louis, le « bombardier noir » de l’Alabama.

Deux ans plus tôt, le 19 juin 1936, Schmelling avait infligé une défaite cuisante à Joe Louis lors du 12ème round, démontrant ainsi sa maîtrise du « noble art ». Cet affrontement n’était pas simplement un combat de boxe ; il représentait une collision de deux mondes en pleine turbulence.

Schmelling, fort de sa victoire précédente, était perçu comme un symbole de la puissance allemande et un représentant de l’idéologie nazie, tandis que Joe Louis portait sur ses épaules les espoirs de millions d’Américains, noirs et blancs, dans un contexte de ségrégation raciale et de tensions internationales grandissantes.

Le rôle de Schmelling sous le régime nazi

Max Schmelling, en plus de ses exploits sur le ring, était un personnage complexe pris dans les engrenages de la politique nazie. Lors de la préparation des Jeux Olympiques de 1936, le chancelier Adolf Hitler lui avait confié une mission presque diplomatique : calmer les inquiétudes des fédérations sportives étrangères face aux mesures d’exclusion des athlètes juifs.

Schmelling, bien que présenté comme un héros national allemand, n’était pas officiellement membre du NSDAP. Il avait même pris des positions risquées pour l’époque, comme celle de refuser de licencier son entraîneur juif en 1935, et aurait également caché deux enfants juifs durant la nuit de cristal. Son mariage avec l’actrice tchèque Anny Ondra était également mal vu par le régime.

Cependant, son statut de premier champion du monde des poids lourds européens depuis 1930, dans un sport largement dominé par les Américains, faisait de lui un symbole important pour l’Allemagne nazie. Ses succès sur le ring étaient utilisés comme un outil de propagande par le régime, malgré ses actions personnelles qui déplaisaient au pouvoir en place.

La situation de Joe Louis aux États-Unis

Joe Louis, quant à lui, faisait face à une réalité tout aussi complexe dans son propre pays.

Né en Alabama, une région fortement marquée par la présence du Ku-Klux-Klan, Louis a grandi dans un environnement hostile et ségrégué. Tout au long de sa carrière, il a dû endosser le rôle de « bon nègre » pour satisfaire une Amérique profondément raciste, subissant quotidiennement des humiliations et des discriminations malgré ses succès.

En remportant le titre des poids lourds à l’été 1937, Louis avait prouvé sa valeur sportive, mais la défaite infligée par Schmelling et la blessure à l’œil qui en résulta, avaient laissé une marque indélébile. À l’approche du match-revanche, la tension était à son comble des deux côtés de l’Atlantique.

Un journaliste new-yorkais, dans une déclaration provocatrice, avait souligné que Schmelling, après avoir été battu par un juif (Max Baer), pourrait être défait par « un nègre sorti des champs de coton ».

Cette remarque, ajoutée aux encouragements solennels de Franklin Roosevelt qui avait déclaré à Louis que « l’Amérique compte sur ses muscles », faisait de ce combat bien plus qu’une simple rencontre sportive.

Le combat et ses conséquences

Le soir du 22 juin 1938, Joe Louis, déterminé et motivé, a affronté Max Schmelling avec une intensité redoublée. En seulement deux minutes et quatre secondes, il a mis fin au combat par un KO spectaculaire, triomphant ainsi de l’allemand de manière décisive.

La défaite de Schmelling, suivie en direct par Adolf Hitler et une partie du gouvernement allemand, a été un coup dur pour la propagande nazie. Furieux, Hitler a fait interrompre la retransmission radiophonique pour censurer les commentaires triomphants.

De retour en Allemagne, Schmelling a été contraint de rejoindre les parachutistes, abandonnant sa carrière de boxeur en 1948.

De son côté, Joe Louis a continué à boxer jusqu’en octobre 1951, lorsqu’il a été définitivement battu par Rocky Marciano. Louis est resté une figure emblématique du sport et un symbole de la lutte contre le racisme aux États-Unis. Quant à Schmelling, il est décédé le 2 février 2005, laissant derrière lui un héritage complexe, à la fois sportif et politique.