Au cœur du 10ᵉ siècle, la Germanie, qui correspond essentiellement à l’ancienne province carolingienne de Franconie, est dirigée par Henri 1er l’Oiseleur, un roi doté d’une grande énergie et d’une renommée exceptionnelle. Ce souverain parvient à annexer la Lotharingie à son royaume, consolidant ainsi son territoire.
Une grande partie de son règne est cependant consacrée à combattre les Magyars, dont les incursions représentent la dernière vague des grandes invasions barbares venues de l’Est.
Henri 1er, après avoir marqué son époque par ses actions militaires et politiques, laisse le trône à son fils, Othon, à sa mort. Ce passage de pouvoir marque une étape décisive dans l’histoire de l’Europe, car Othon héritera non seulement du trône, mais également des ambitions impériales de son père.
Les relations privilégiées entre Othon et le clergé allemand
Dès son accession au pouvoir, Othon 1er adopte une politique audacieuse visant à renforcer son autorité grâce au soutien du clergé. Il attribue aux abbés et évêques allemands des domaines fonciers considérables, consolidant ainsi leur loyauté à son égard.
Cette stratégie permet également d’établir des relations diplomatiques fructueuses avec le Vatican, un atout majeur dans l’Europe médiévale.
À cette époque, le pape en exercice est Jean XII, également connu sous le nom de Octavien de Tusculum. Élu à seulement 18 ans, ce jeune pontife est marqué par une réputation sulfureuse. En dépit de ses écarts, son pontificat reste mémorable pour des décisions importantes, comme la canonisation de Thomas d’Aquin, figure emblématique de la théologie chrétienne.
Le rôle d’Othon face aux tensions italiennes
Une menace grave plane alors sur le pape Jean XII, qui fait face aux ambitions d’un féodal italien puissant : Béranger II, marquis d’Ivrée. Sentant le danger, le souverain pontife fait appel à Othon pour le protéger. Ce dernier, en réponse à cet appel, traverse les Alpes et prend possession de la couronne des rois lombards, consolidant ainsi son autorité en Italie.
En guise de gratitude, Jean XII élève Othon à un rang supérieur en le couronnant Empereur romain. Ce titre, parfois nommé « Empereur Auguste », confère à Othon une dimension unique : celle de protecteur de l’Occident chrétien.
Cette reconnaissance est renforcée par ses précédentes victoires militaires, notamment la bataille du Lechfeld en 955, où il met un terme définitif à la menace des Magyars, accroissant ainsi son prestige à travers toute l’Europe.
Une définition floue de l’Empire et son évolution
Le couronnement d’Othon 1er soulève une question importante : cet empire est-il une résurgence de l’Empire romain ou carolingien ?
La réponse reste incertaine à l’époque. Ce n’est qu’au fil des décennies que l’identité de ce nouvel empire se précise. Le mot « saint » est ajouté à son titre en 1054, marquant une séparation nette avec les terres orthodoxes. Puis, en 1486, l’adjonction du terme « germanique » achève de définir l’identité de ce territoire en pleine mutation.
Othon, bien qu’il ne règne que 11 ans après son couronnement impérial, laisse un héritage durable. Son fils, qui lui succède, adopte le titre d’Imperator Romanorum, posant ainsi les bases d’une lignée impériale qui marquera l’histoire européenne.
Les tensions entre le pape et l’empereur
Malgré leur collaboration initiale, les relations entre Othon et Jean XII se détériorent rapidement. L’entente cordiale cède la place à des conflits d’intérêt. En novembre 963, Othon dépose le jeune pape, mettant un terme brutal à son pontificat controversé. L’ancien pontife, Jean XII, trouve une fin tragique l’année suivante, victime d’un assassinat.
Ce tournant marque les prémices des tensions récurrentes entre les empereurs du Saint-Empire et les papes, tensions qui continueront à modeler l’histoire politique et religieuse de l’Europe médiévale.
Avec le couronnement d’Othon 1er, l’Europe entre dans une nouvelle ère où le pouvoir impérial et l’autorité religieuse s’entrelacent, ouvrant la voie à des siècles de transformations politiques et culturelles.