Article | 1er février 1979 : retour triomphal de l’Ayatollah Khomeini à Téhéran

Le 1er février 1979 marque un tournant historique pour l’Iran : Rouhollah Khomeini, figure emblématique de la révolution islamique, fait son retour triomphal à Téhéran. Cet événement précipite la chute du régime monarchique du Shah et pave la voie à la proclamation de la République islamique.

Pour mieux comprendre l’ascension de cet homme devenu « guide suprême », il est nécessaire de retracer son parcours, ses combats et les bouleversements qu’il a entraînés.

Naissance et éducation religieuse

Rouhollah Mousavi voit le jour en mai 1900 dans le village de Khomein, dont il adoptera plus tard le nom en tant que Khomeini. Issu d’une lignée de religieux chiites, il hérite d’un riche héritage spirituel. Son père et son grand-père sont eux-mêmes ayatollahs, un titre religieux prestigieux signifiant littéralement « don de Dieu ».

Très tôt, Khomeini montre un vif intérêt pour la théologie et les sciences religieuses. En 1927, il devient professeur de théologie à Qom, un haut lieu du chiisme en Iran. Là, il acquiert une influence grandissante au sein du clergé.

Opposition au programme de modernisation duSshah

Dans les années 1960, l’Iran est secoué par des réformes sociopolitiques profondes initiées par le Shah Mohammad Reza Pahlavi. Sous l’appellation de « révolution blanche », ces réformes visent à moderniser le pays.

Parmi les mesures phares figurent l’attribution du droit de vote aux femmes, la redistribution des terres et la reconnaissance des partis politiques, notamment le Front national fondé par Mossadegh.

Ces réformes, perçues comme une atteinte aux valeurs traditionnelles, suscitent une vive opposition de la part du clergé chiite, dont Khomeini devient rapidement l’une des voix les plus radicales. En juin 1963, ses sermons enflammés prononcés à Qom dénoncent vigoureusement le régime en place. Les tensions culminent en des émeutes violentes.

Arrêté pour ses prises de position, Khomeini est condamné à mort, mais une intervention du Shah lui permet d’échapper à l’exécution. Cependant, il est contraint à l’exil en 1964.

Exil et diffusion clandestine de son message

Khomeini entame alors une longue période d’exil, d’abord en Turquie, puis en Irak, où il s’établit dans les villes saintes de Nadjaf et Kerbala.

Depuis ces bastions du chiisme, il poursuit son combat idéologique. À l’aide de cassettes enregistrées et diffusées clandestinement, il galvanise ses partisans et appelle à la résistance contre le régime du Shah. Ces enregistrements circulent discrètement à travers l’Iran, trouvant écho dans les mosquées et les cercles religieux.

En 1978, un rapprochement entre le Shah et Saddam Hussein rend la position de Khomeini en Irak précaire. Il s’installe alors en France, à Neauphle-le-Château, en octobre de la même année. Bien que son séjour en France soit bref, il profite de la liberté offerte pour attirer l’attention internationale sur son mouvement.

Montée en puissance de la contestation populaire

Pendant ce temps, en Iran, le mécontentement populaire atteint son paroxysme.

En décembre 1978, des manifestations massives éclatent lors des commémorations religieuses du massacre de l’Imam Hossein. Ces rassemblements, habituellement tolérés, prennent une ampleur inédite. Près de cinq millions d’Iraniens descendent dans les rues de Téhéran, scandant des slogans comme « Mort au Shah ».

Face à cette contestation, le Shah déclare l’état d’urgence et instaure un couvre-feu. Mais les manifestants, déterminés, ignorent ces restrictions et continuent à défier le régime. Le climat devient insoutenable. Le 16 janvier 1979, le Shah quitte le pays, cherchant refuge en Égypte. Ce départ précipité marque la fin de son règne.

Le retour de khomeini et la proclamation de la république islamique

Le 1er février 1979, Khomeini revient en Iran après 15 ans d’exil. Son arrivée est accueillie par une immense foule en liesse.

Lors d’un discours mémorable prononcé au cimetière des martyrs, il critique durement le Premier ministre Chapour Bakhtiar, désigné par le Shah dans une tentative désespérée de maintenir le pouvoir. Khomeini rejette toute possibilité de retour à l’ancien régime.

Le 11 février 1979, l’ayatollah Khomeini prend officiellement les rênes du pouvoir en tant que « guide suprême ». La République islamique est proclamée, marquant une rupture radicale avec le passé monarchique de l’Iran.

Une nouvelle vision diplomatique et idéologique

Sur le plan international, Khomeini impose une vision clairement anti-occidentale. Dans son célèbre « petit livre vert », il dénonce les injustices des démocraties occidentales, qu’il qualifie de « dictatures déguisées ». Il appelle à une action ferme pour restaurer ce qu’il considère comme l’ordre islamique idéal.

Il déclare notamment :
« L’Occident n’est qu’un ensemble de dictatures pleines d’injustices ; l’humanité entière doit frapper d’une poigne de fer ces fauteurs de troubles si elle veut retrouver sa tranquillité. Si la civilisation islamique avait dirigé l’Occident, on ne serait plus contraints d’assister à ces agissements sauvages. »

Conclusion

Le retour de l’ayatollah Khomeini en 1979 marque un tournant majeur dans l’histoire contemporaine de l’Iran. En renversant une monarchie séculaire et en établissant une République islamique, il a redéfini les fondements politiques, sociaux et religieux du pays.

Ce bouleversement continue de résonner dans la géopolitique du Moyen-Orient, façonnant les relations entre l’Iran et le reste du monde.