En 1516, le conquistador espagnol Juan Díaz de Solís, qui s’était déjà fait remarquer pour ses explorations dans le Yucatán, entreprend une expédition dans le sud du Brésil. Il remonte un large fleuve qu’il baptise Rio de la Plata.
Cependant, lors d’une exploration secondaire, menée avec deux officiers et sept hommes, il est attaqué par les Indiens Charrúas, des habitants locaux réputés pour leur résistance farouche. Ce massacre marque le début de la sinistre réputation des natifs de cette région, qui deviennent la cible des colons espagnols et portugais.
Les Charrúas : les premiers habitants de l’Uruguay
Les Charrúas, des peuples nomades, sont les véritables habitants originels de l’actuel Uruguay.
Cousins des Puelches de la pampa argentine et proches des Guaranis, avec qui ils partagent des similarités linguistiques, ils mènent une vie de chasseurs-cueilleurs. Sous leurs tentes appelées « toldos », ils consomment l’infusion de maté et respectent des chefs spirituels et politiques connus sous le nom de Caciques, signifiant « gardiens de la parole ».
Leur univers spirituel est marqué par la croyance en un esprit maléfique, le Gualicho, dont l’influence, bien que redoutée, s’avérera moins dévastatrice que celle des colons européens. Pendant plusieurs décennies, les Charrúas ne sont pas directement massacrés.
La région reste faiblement peuplée, et les Espagnols comme les Portugais tentent d’obtenir leur alliance, notamment lors de disputes territoriales.
Les guerres d’indépendance et la montée des tensions
Les tensions atteignent leur paroxysme en 1821, lorsque le Brésil annexe la région. Peu de temps après, une guerre d’indépendance éclate et se conclut en 1828 avec le Traité de Montevideo, marquant la création d’un régime local.
Le nouveau président, Fructuoso Rivera, décide d’éliminer les Charrúas, qui, à cause de leurs techniques de combat basées sur des attaques-éclair suivies de retraites rapides, sont surnommés les « Salsipuedes » ou « sauve-qui-peut ». Ces pratiques de résistance les désignent comme des ennemis à éradiquer.
L’extermination des Charrúas : une stratégie préméditée
La politique de persécution culmine le 11 avril 1831. Bernabé Rivera, frère du président, convoque les derniers survivants sous prétexte de signer un acte d’attribution des terres. Environ 500 Charrúas se rendent à cet appel, mais ils sont tous massacrés, à l’exception de quelques individus épargnés.
Ce massacre signe la quasi-disparition de ce peuple.
Le sort tragique des derniers survivants
Les quelques survivants connaissent des destins tout aussi tragiques.
En 1833, un Français, M. de Curel, obtient l’autorisation d’emmener les quatre derniers Charrúas à Paris pour les exhiber lors d’une exposition universelle. Parmi eux se trouvent le cacique Vaicama Perú, Senaque, Tacuavé, et une jeune femme enceinte, Guyunusa.
Ces derniers sont enfermés dans des cages et présentés comme des curiosités exotiques avant d’être vendus ou confiés à un montreur forain. Cependant, incapables de supporter le climat européen, ils tombent malades. Vaicama Perú meurt dès septembre 1833, suivi par Guyunusa en 1834, qui décède à l’Hôtel-Dieu de Lyon.
On perd ensuite la trace de Tacuavé et de la fille de Guyunusa, laissant planer un mystère sur leur éventuelle survie.
Restitution des corps et mémoire des Charrúas
Les corps des Charrúas exhibés à Paris sont conservés pendant des décennies au Musée de l’Homme, où ils sont traités comme des objets d’étude ethnographique. Ce n’est qu’en 2003 que les restes sont restitués à l’État uruguayen, marquant une reconnaissance tardive des horreurs subies par ce peuple.