Article | 1497 – 1499 : premier voyage de Vasco de Gama

L’épopée du navigateur portugais Vasco de Gama s’inscrit dans une période marquée par des événements géopolitiques majeurs qui ont bouleversé les routes commerciales traditionnelles. Trois facteurs clés façonnent ce contexte.

D’abord, en 1453, la chute de Byzance aux mains des Turcs ottomans est un tournant historique. Cet événement conduit à la fermeture de la route des caravanes terrestres, par laquelle passait une grande partie du commerce des épices entre l’Orient et l’Europe. Les épices, denrées précieuses, devenaient dès lors beaucoup plus difficiles à obtenir. Cette fermeture des routes terrestres est particulièrement décourageante pour les Portugais, qui se trouvaient déjà éloignés des principales voies commerciales de la Méditerranée orientale.

En parallèle, les explorations terrestres portugaises connaissent un succès paradoxal en Orient. Un exemple emblématique est celui de Pedro da Covilhã, qui, déguisé en marchand musulman, parvient à atteindre la côte de Malabar, notamment le port indien de Calicut. Cet exploit confirme l’idée qu’il existe des terres riches à explorer en Orient.

Enfin, le troisième facteur décisif est la découverte du cap de Bonne-Espérance par Bartolomeu Dias en 1488. Cette découverte géographique majeure permet aux navigateurs européens d’envisager sérieusement la possibilité de contourner l’Afrique par le sud pour atteindre les Indes.

La décision des rois portugais

Les rois du Portugal, conscients de ces opportunités, comprennent rapidement que la route maritime vers les Indes est désormais une perspective réaliste. Dès 1495, le roi Jean II envisage une expédition pour explorer cette route. Cependant, sa mort interrompt temporairement ce projet ambitieux.

C’est son successeur, Manuel Ier, qui reprend cette vision et décide de lancer une expédition maritime pour contourner l’Afrique. Pour diriger cette entreprise d’envergure, il choisit Vasco de Gama, un noble doté non seulement de compétences militaires, mais aussi de connaissances approfondies en géographie, notamment celles de Strabon et Ptolémée. Gama se voit confier une flotte de quatre navires : une caravelle légère, un ravitailleur de 300 tonnes et deux navires de guerre appelés « năos ». Le commandant embarque lui-même sur le Sao Gabriel, un des navires les plus robustes de la flotte.

Le 8 juillet 1497, l’expédition quitte l’embouchure du Tage, marquant ainsi le début d’une aventure qui allait changer le cours de l’histoire des relations entre l’Europe et l’Asie.

Le périple à travers l’océan Atlantique et l’Afrique

Après avoir quitté le Portugal, Vasco de Gama atteint les îles du Cap Vert en août 1497. Le voyage se poursuit, et le 22 novembre de la même année, les navires franchissent le cap de Bonne-Espérance, un moment décisif dans cette expédition.

En progressant vers le nord, Gama fait escale sur une partie de la côte africaine qu’il nomme Natal. Là-bas, il découvre l’existence de plusieurs sultanats africains prospères, comme Mombasa et Zanzibar, qui vivent du commerce de l’or et de l’ivoire. Ces territoires montrent des signes d’opulence et d’organisation.

C’est dans la région de Mélinde, dans l’actuel Kenya, que Gama rencontre le sultan local, qui lui propose l’aide précieuse d’un navigateur arabe, Ahmed Ibn Madjid. Ce dernier, expert des routes maritimes de l’océan Indien, guide les navires portugais à travers ces eaux inconnues pour eux. Grâce à cette aide, les Portugais atteignent finalement la ville de Calicut en mai 1498.

Les difficultés diplomatiques à Calicut

À leur arrivée à Calicut, les Portugais entament la phase diplomatique de leur mission, mais les négociations ne se passent pas comme prévu. Vasco de Gama est certes reçu par le Samoudrin, le roi local, mais il se rend rapidement compte que la situation est bien plus complexe que prévu. Calicut est déjà un important comptoir commercial arabe, et l’océan Indien fonctionne en grande partie comme une « mare nostrum » arabe, où les intérêts musulmans dominent le commerce.

Les cadeaux apportés par les Portugais, conçus pour impressionner des souverains africains, n’impressionnent guère le roi indien. Devant cette situation, Vasco de Gama et son équipage doivent rebrousser chemin, sans avoir obtenu de concessions commerciales significatives.

Le retour éprouvant au Portugal

Le retour vers le Portugal est particulièrement difficile. Le scorbut fait des ravages parmi les marins, et sur les 170 hommes qui avaient embarqué au départ, seuls 54 survivent à ce long et éprouvant voyage. Les conditions de navigation, la fatigue et la maladie rendent cette traversée particulièrement tragique pour l’équipage.

Malgré les difficultés, Vasco de Gama est accueilli en héros à son retour en 1499. Il est largement célébré pour avoir ouvert la voie à un futur empire commercial et colonial portugais.

La revanche de Vasco de Gama : le second voyage

Les leçons tirées de cette première expédition ne sont pas perdues pour Vasco de Gama. En 1502, fort de son expérience, il retourne en Inde avec une flotte beaucoup plus puissante, composée de 23 navires, sous le titre d’« amiral des Indes ». Cette fois, il ne se contente pas de chercher des accords commerciaux pacifiques. Il mène une campagne de soumission contre les sultanats africains, intercepte une flotte arabe et exécute ses équipages. Finalement, il parvient à obtenir un comptoir commercial du Samoudrin à Calicut, consolidant ainsi la présence portugaise dans l’océan Indien.

Ce second voyage marque véritablement le début de l’empire colonial portugais, ouvrant une nouvelle ère d’expansion maritime européenne et de domination coloniale en Asie et en Afrique.