Article | 13 décembre 1937 : massacre de Nankin

Au début des années 1930, les ambitions impérialistes du Japon s’affirment progressivement sur le continent asiatique. En 1931, ils annexent la Mandchourie, une région riche en ressources naturelles, et, deux ans plus tard, en 1933, ils s’emparent de la province du Jehol, étendant encore davantage leur contrôle en Asie de l’Est.

Cette expansion territoriale n’est pas seulement motivée par des intérêts stratégiques, mais aussi par une vision idéologique claire : celle de la « Sphère de coprospérité asiatique ». Cette idée, élaborée par le gouvernement japonais, visait à libérer l’Asie des influences coloniales occidentales, mais en réalité, elle servait de justification à l’expansion impérialiste japonaise, tout comme l’« Espace vital » prôné par l’Allemagne nazie.

Les deux nations, partageant des visions similaires d’expansion, s’allient formellement sous l’initiative du ministre des Affaires étrangères allemand, Joachim von Ribbentrop, en signant un pacte antikomintern, visant à lutter contre l’influence communiste internationale.

Après une période de relative accalmie, la situation en Chine dégénère en 1937. Un incident orchestré par les Japonais sur le pont Marco Polo, à proximité de Pékin, sert de prétexte pour reprendre l’offensive militaire. Cet événement marque le début de l’invasion à grande échelle de la Chine, avec des conséquences dévastatrices.

En seulement quelques mois, l’armée japonaise, dotée d’une technologie militaire avancée et d’une organisation redoutable, conquiert près d’un million de kilomètres carrés, s’approchant inexorablement de la ville de Nankin (NanJing).

L’assaut sur Nankin

Nankin, située entre Pékin et Shanghai, était à cette époque une ville d’une importance stratégique cruciale. Elle comptait près d’un million d’habitants, ce qui en faisait une des plus grandes cités de Chine.

De plus, elle était alors la capitale administrative du gouvernement de Tchang Kaï-Chek, le dirigeant du Kuomintang (KMT). Cependant, face à l’avancée rapide et implacable des forces japonaises, Tchang Kaï-Chek fuit la ville, emportant avec lui son état-major et ses principaux conseillers. Il installe son nouveau quartier général à Chongqing, plus à l’est, laissant Nankin vulnérable à l’assaut ennemi. Cette décision marqua le début de la fin pour la ville.

La défense de Nankin fut laissée entre les mains de Tang ShengZhi, le chef de garnison. Cependant, ses forces, mal préparées et insuffisamment équipées, étaient loin de pouvoir résister à la puissante armée japonaise. Après quelques tentatives de résistance, Tang ShengZhi abandonne la ville à son sort, se repliant lui aussi alors que les envahisseurs approchent dangereusement.

Pendant ce temps, l’aviation japonaise commence à bombarder Nankin sans relâche pendant trois jours. Au total, 95 sorties aériennes sont effectuées, réduisant en cendres de nombreux quartiers de la ville.

Le 25 novembre, les troupes japonaises, dirigées par le général Iwane Matsui, lancent l’offensive terrestre. La supériorité militaire japonaise se manifeste rapidement, et après moins de trois semaines de combat, les troupes pénètrent dans Nankin, le 13 décembre 1937. Ce qui s’ensuit restera gravé dans l’histoire comme l’un des massacres les plus brutaux et les plus inhumains jamais perpétrés.

Une violence inouïe

Dès leur entrée dans la ville, les soldats japonais se livrent à des atrocités d’une violence inouïe. Entre 250 000 et 300 000 civils sont massacrés dans des conditions souvent indescriptibles.

De nombreux habitants sont exécutés sommairement, souvent par des méthodes aussi cruelles qu’effroyables. Certains sont enterrés vivants, tandis que d’autres sont éventrés ou mutilés de manière barbare. Les témoignages de l’époque décrivent des scènes de terreur inimaginables, où la vie humaine semblait avoir perdu toute valeur aux yeux des assaillants.

Mais la violence ne s’arrête pas aux exécutions. Près de 20 000 femmes sont violées, qu’il s’agisse de jeunes filles ou de femmes âgées, et les soldats ne se contentent pas de simples abus sexuels. Des mutilations abominables sont pratiquées, avec des femmes qui se voient amputer les seins ou les parties génitales après avoir été violées. Cette vague de brutalité dépasse tout ce que les civils pouvaient imaginer endurer. En outre, un tiers des habitations de la ville sont incendiées, privant des milliers de personnes de leurs foyers.

La sauvagerie des troupes japonaises ne s’arrête pas là. 800 coolies, des travailleurs forcés chinois, sont réquisitionnés pour participer au pillage systématique de la ville. Ils sont contraints d’aider les soldats à voler et transporter les richesses de Nankin, avant, dans de nombreux cas, d’être eux-mêmes exécutés. Ce massacre laisse la ville en ruine, vidée de sa population et profondément marquée par ces événements.

Les conséquences après la guerre

Après la Seconde Guerre mondiale, le général Iwane Matsui, responsable direct des atrocités commises à Nankin, est jugé pour crimes de guerre. Il fait partie des sept chefs militaires japonais condamnés à mort par le Tribunal militaire international pour l’Extrême-Orient. En 1948, il est exécuté, mais cela n’efface pas les cicatrices laissées par ses actions.

Pourtant, malgré sa condamnation, une partie de la société japonaise continue de lui vouer un respect morbide. Ses cendres sont récupérées par certains de ses anciens subordonnés, qui lui érigent un culte dans le temple bouddhiste de Koa Kannon, construit par Matsui lui-même en 1940, alors qu’il était encore surnommé « le boucher de Nankin ».

De manière troublante, le massacre de Nankin continue de diviser l’opinion publique japonaise. En 2000, une conférence révisionniste se tient à Osaka, sous le titre provocateur : « La véracité des viols de Nankin – le plus grand mensonge de l’histoire ? ». Cet événement reflète une tendance chez certains groupes au Japon à minimiser, voire à nier, les atrocités commises pendant la guerre.

À ce jour, les autorités japonaises n’ont jamais présenté d’excuses officielles pour les crimes commis à Nankin, un sujet qui reste une source de tensions entre le Japon et la Chine.